« Intelligence artificielle, quelle place pour l’humain ? »

La Croix

La Croix publie un dossier sur l’intelligence artificielle, relevant qu’« en médecine, l’IA promet des diagnostics plus précis, des traitements plus personnalisés… au risque de faire perdre la main aux médecins ? ».
Le journal relève que 
« cette médecine du futur est déjà en partie là. Dans leur institut de radiologie, à Paris, le Dr Patrick Toubiana et ses confrères utilisent par exemple depuis 5 ans, pour les mammographies, iCad, un logiciel doté d’une intelligence artificielle ».
« La machine dépiste avec précision des tumeurs du sein parfois invisibles à l’œil nu. Ingénieurs et médecins alimentent, en amont, l’ordinateur en lui fournissant des milliers d’informations : des statistiques, radios, scanners, biopsies, montrant des anomalies malignes ou non. Un algorithme apprend ensuite à identifier les marqueurs pathogènes. La machine s’améliore à mesure qu’elle emmagasine. On appelle cela le «deep learning», ou «apprentissage profond» », 
explique La Croix.
« À la clé, une aide précieuse au diagnostic. Mais au-delà, les domaines d’application de l’IA, en santé, ressemblent à un champ des possibles, des logiciels de retranscription vocale aux robots de compagnie, en passant par les prothèses intelligentes ou encore la médecine préventive… Seulement, l’IA suscite aussi des craintes. Pourrait-elle se substituer à l’humain ? », continue le journal.
La Croix explique qu’«
 en mai 2018, la revue britannique Annals of Oncology annonçait qu’une équipe de chercheurs avait appris à un algorithme à distinguer des lésions de la peau. Les performances de la machine avaient été ensuite comparées à celles de médecins spécialistes. En moyenne, les dermatologues avaient identifié correctement 87% des mélanomes. La machine… 95%. Quid alors du médecin ? ».
Le Dr Jacques Lucas, vice-président du conseil national de l’Ordre des médecins, déclare qu’«
 il faudra toujours un humain pour vérifier, s’engager. Sinon, à qui la faute incomberait-elle, en cas d’erreur ? ».
Le journal relève qu’« 
il n’existe, pour l’heure, aucune législation propre aux machines. Or, l’un des risques majeurs pour le médecin, est la «délégation de responsabilité», confirme David Gruson, fondateur d’Ethik-IA, un collectif d’experts planchant sur une éthique de l’IA ».
Ce dernier remarque : «
 Si un algorithme émet un diagnostic basé sur 100.000 cas, avec un taux de certitude de 99%, quel est vraiment le pouvoir de décision qui reste au médecin ? Dans les faits, il garde la capacité de trancher. Le fera-t-il ? ».
Le quotidien indique qu’«
 aux États-Unis, la FDA a autorisé, en avril, la commercialisation d’un dispositif diagnostiquant les rétinites diabétiques… sans la validation d’un spécialiste. Pour le moment, en France, il existe un consensus qui veut que la décision finale doit incomber à un médecin ».
Le Dr Lucas souligne en outre que
 « le diagnostic est une chose. La prise en charge du malade en est une autre. Un algorithme est performant pour une tâche donnée. Si vous lui demandez de faire autre chose, il en est incapable. Or un patient n’est pas constitué que de symptômes, de taux, de statistiques. Il est un tout, que le médecin examine dans sa globalité ».
La Croix continue : «
 Il n’empêche. L’IA ouvre non seulement «des perspectives très prometteuses pour améliorer la qualité des soins» mais aussi pour «réduire les coûts» », selon le rapport sur l’intelligence artificielle rédigé par le mathématicien et député Cédric Villani.
Le quotidien relève que 
« la moitié des médecins estime qu’en 2030 les robots et l’intelligence artificielle feront partie de leur quotidien, constatait en octobre dernier, l’enquête «Le médecin de demain» publiée par la MACSF, la mutuelle des professionnels de santé. Pour 71% des médecins interrogés, l’IA permettra surtout moins d’erreurs ».
« Une chose semble toutefois acquise : le métier de médecin et, en amont, la formation vont devoir s’adapter », 
poursuit le journal. Le Dr Lucas observe que « les nouvelles générations maîtriseront mieux les outils numériques. En revanche, on constate que plus les étudiants gagnent en compétences, et plus leur degré d’empathie diminue ».
Pour le responsable, 
« le déploiement de l’intelligence artificielle sera aussi l’occasion de réapprendre «l’importance de la relation unissant l’équipe de soins à son patient» », ajoute La Croix.

Date de publication : 6 novembre 2018

« Les soignants sont très aimés mais pas toujours compris »

Le Figaro

Soline Roy remarque dans Le Figaro : « Infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, kinés, médecins, pharmaciens et dentistes, réjouissez-vous : les Français vous aiment, à en croire le Baromètre santé 360 Odoxa-NEHS-Asip Santé-Orange Healthcare »
« Ce qui ne veut pas dire qu’ils vous comprennent toujours ni qu’ils partagent vos opinions sur le système de soins… », 
relève la journaliste.
Elle explique ainsi que
 « réalisé par Internet auprès de 3003 Européens (dont 996 Français) représentatifs des populations française, anglaise, espagnole, allemande et italienne, ainsi que 697 professionnels de santé dont 591 exercent en libéral, le sondage dresse un portrait élogieux des professions libérales de santé. Mais dessine un dialogue plus difficile quant aux moyens d’organiser le système de soins et de corriger ses défauts ».
Soline Roy retient que 
« les Français aiment leurs soignants : certes, le prestige de ces professions s’étiole, mais 91% des sondés ont une bonne opinion de ceux qui les soignent. Les relations des soignants avec leurs patients, et entre les soignants, sont globalement jugées bonnes par les Français comme par les libéraux eux-mêmes ».
« Une dissonance apparaît néanmoins sur la perception des relations des médecins spécialistes avec les autres soignants : elle est jugée bonne par 82% des Français, mais par seulement 64% des soignants eux-mêmes », 
continue la journaliste.
Elle ajoute que «
 les éloges sont unanimes pour les infirmiers, jugés compétents, courageux, sympathiques et à l’écoute des patients par plus de 90% des sondés. Le portrait des médecins et pharmaciens est plus nuancé : globalement dotés des mêmes qualités que les infirmiers, ils sont aussi plus volontiers jugés «corporatistes» (par 70% et 76% des sondés respectivement), «conservateurs» (66% et 72%) ou «avant tout motivés par l’argent» (43% et 65%, contre seulement 21% pour les infirmiers) ».
Soline Roy observe que 
« ce ne sont pas les ordres professionnels […] qui semblent pouvoir arranger les choses : mal jugés par les professionnels (75% d’entre eux pensent que leur ordre les représente mal), ils ne veillent à l’intérêt général que pour 59% du grand public, et pour 71% des sondés ils… protègent trop les privilèges corporatistes ! ».
La journaliste en profite pour rappeler que 
« la première mission des ordres médicaux telle que définie par le Code de la santé publique est pourtant, avant la défense des professionnels, de veiller «au maintien des principes de moralité, de probité, de com­pétence et de dévouement indispensables» à leur exercice ».
Soline Roy continue :
 « Pas sûr, par ailleurs, que les Français partagent les idées des soignants sur l’organisation du système de santé. […] Ainsi de la lutte contre les déserts médicaux : le grand public est globalement favorable aux pistes proposées (en particulier la mise en place de maisons de professionnels de santé et l’instauration de primes à l’installation pour lutter contre les déserts médicaux, plébiscitées par plus de 80% des sondés), là où les soignants se sont souvent montrés plus nuancés ».
« Autre piste ne faisant pas l’unanimité : le développement des «pratiques avancées», qui veut libérer de la tutelle du médecin un certain nombre d’actes médicaux. La vaccination par les infirmiers sans prescription médicale est ainsi une bonne solution pour une majorité des Français (69%) et plus encore des infirmiers (79%), tandis que les médecins sont plus timides (57% favorables) ; quant à la prescription de médicaments par ces mêmes infirmiers, elle est plébiscitée par 63% des Français et 85% des infirmiers, contre seulement 41% des médecins », 
relève la journaliste.
Elle note que ces
 « réticences n’ont pas échappé aux Français : pour 56% des sondés, les médecins «ont tendance à s’opposer systématiquement à tout changement»… Et le dialogue avec le ministère et les autorités de santé laisse nettement à désirer (il n’est jugé «bon» que par 46% des Français et 35% des soignants) ».

Date de publication : 12 novembre 2018

 

« Dans le cerveau des victimes du 13 novembre »

La Croix

Dans le cadre des commémorations des attentats du 13 novembre 2015, La Croix relève que « depuis deux ans, une étude biomédicale consacrée au trouble de stress post-traumatique se déroule à Caen. Les résultats de la phase 1 seront bientôt publiés ».
Flore Thomasset se penche ainsi sur les travaux de l’unité mixte de recherche associant l’Inserm, l’EPHE et l’Université de Caen-Normandie (« Neuropsychologie et Imagerie de la Mémoire Humaine »), 
et à « la première phase du programme de recherche « Remember ». Cette étude biomédicale, inédite par la taille de sa cohorte et sa durée – trois phases de tests en 2016, 2018 et 2021 – a un enjeu : comprendre le trouble de stress post-traumatique (TSPT), son évolution au fil des ans, ses répercussions sur la gestion des émotions et sur les interactions sociales ».
La journaliste explique que « pour les victimes, le TSPT est une souffrance et un handicap. Cette pathologie, qui se caractérise par des «intrusions» surgissant à l’esprit, replonge la victime dans son traumatisme, non pas avec la petite morsure des souvenirs du passé, mais avec la violence et le réalisme d’une scène au présent. Un bruit, une odeur et soudain, la personne revit le drame ».
Francis Eustache, neuropsychologue, directeur de l’unité de recherche, remarque ainsi : « Pourquoi certaines personnes arrivent à bloquer ces intrusions et pas d’autres ? Pourquoi certaines se relèvent-elles plus vite que d’autres ? Que se passe-t-il dans leur cerveau après le drame et dans les années qui suivent ? C’est ce que nous cherchons à comprendre ».
« Avec des heures de questionnaires psychopathologiques, de tests neuropsychologiques et une heure et demie d’IRM », 
indique Flore Thomasset.
La journaliste relève que « dans quelques mois, […] les premiers résultats de la phase 1 seront soumis aux revues scientifiques. On pourra alors comparer les trois groupes de la cohorte : les 80 Caennais extérieurs aux attentats, la soixantaine de victimes directes ayant développé un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et la soixantaine d’autres victimes n’ayant pas développé ce syndrome ».
Elle note que « d’ores et déjà, les résultats de ce dernier groupe interpellent ». Mickaël Laisney, maître de conférences à l’École pratique des hautes études, remarque que « les victimes souffrant de TSPT présentent un défaut de contrôle de leur mémoire, par rapport au groupe témoin. On aurait pu penser que les victimes non-malades se situeraient entre les deux, tel un groupe intermédiaire, avec un retentissement modéré du traumatisme. Mais non : elles semblent sur-contrôler leur mémoire, présentant des connexions cérébrales plus intenses encore que le groupe témoin, comme si elles étaient capables d’une forme d’hyperrésilience ».
Le chercheur poursuit : « Cette capacité à inhiber très fort les souvenirs peut-elle entraîner des compensations différentes avec des effets négatifs dans la vie de tous les jours, comme l’inhibition d’autres émotions ou d’autres comportements ? Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir travailler sur ce groupe ».
Flore Thomasset observe en outre que « sur un plan psychologique, la nécessité de prendre en charge les patients souffrant de stress post-traumatique ne fait plus débat. […] Même si [Francis Eustache] manque de médecins pour prendre les patients en consultation et que la recherche se poursuit sur les modalités de traitement. ».
Mickaël Laisney ajoute : « Mais que fait-on pour les autres victimes ? Nos premiers résultats semblent montrer que les considérer comme “tirées d’affaire”, semblables aux non-exposés, n’est plus pertinent. […] Notre recherche pourrait permettre d’orienter les politiques de santé publique ».
Flore Thomasset souligne en outre que « depuis 3 ans, les témoignages de victimes montrent autant les fluctuations de leur état de santé que leur difficulté à accéder aux soins. Certains ont engagé un suivi psychologique tardif, prenant 2 ans après le drame les médicaments dont ils avaient cru pouvoir se passer ».
La journaliste note que « les résultats [de l’étude] pourraient, là encore, permettre de guider les patients vers la prise en charge la plus adaptée ».
La Croix s’interroge par ailleurs : « Qu’est-ce que les neurosciences peuvent apporter à la prise en charge du psychotraumatisme ? ».
Louis Jehel, chef du service de psychiatrie au CHU de Martinique et président de la Société française de psychotraumatologie, répond que « les découvertes des neurosciences mettent en lumière les mécanismes cérébraux en jeu dans le psychotrauma. Elles viennent consolider notre compréhension de celui-ci et soutenir la plupart des stratégies thérapeutiques déjà recommandées ».
Edouard Gentaz, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’université de Genève, remarque pour sa aprt que « le psychotraumatisme est devenu un objet d’étude : toutes les disciplines peuvent apporter leur éclairage et c’est une bonne chose. Ainsi, les neurosciences peuvent nous aider à comprendre les bases cérébrales du trauma ».
« Mais les images du fonctionnement cérébral ne sont qu’un indicateur parmi d’autres de notre activité cognitive et affective. La relation entre ce qui se passe dans notre cerveau et notre comportement est extrêmement complexe et dépend de 1000 facteurs liés à notre histoire, notre personnalité, notre vie sociale… », 
poursuit le chercheur.

Date de publication : 13 novembre 2018

 

« Autisme : une étude remet en cause le modèle théorique dominant »

Les Echos

Les Echos remarque que « l’énigme de l’autisme ne semble pas près d’être résolue. A preuve, une dernière et remarquable étude d’imagerie cérébrale, parue dans la revue Brain et dont les résultats sont en opposition directe avec ceux des études précédentes ».
Le journal note que 
« les troubles du spectre autistique s’expliqueraient en réalité par une diminution de la connectivité neuronale entre zones cérébrales adjacentes, et non par une augmentation de cette même connectivité, comme on le pensait jusqu’ici ».
Le Pr Josselin Houenou, chercheur de l’Inserm et principal auteur de ce travail, précise toutefois que 
« ce modèle repose sur l’étude de populations pédiatriques hétérogènes […] et sur des méthodes de neuro-imagerie peu spécifiques ne permettant pas de mesurer avec fiabilité la connectivité ‘courte distance’ ».
Le quotidien explique que 
« pour pallier ce problème, les auteurs ont utilisé une innovation conçue à NeuroSpin et reposant sur l’IRM de diffusion, donnant une image plus précise de la connectique cérébrale ».
« Pratiqués sur des autistes adultes, les examens ont montré que l’altération des interactions sociales et de l’empathie était au contraire corrélée à une diminution de la connectivité dans plusieurs faisceaux courte distance », 
note Les Echos
Le journal conclut que «
 ces résultats obtenus sur des adultes doivent encore être confirmés par des études similaires réalisées sur des enfants ».

Date de publication : 19 novembre 2018

« Maltraitance des étudiantes infirmières : « Tu ne sers à rien ! Dépêche-toi ! » »

Libération

Dans Libération, Eric Favereau remarque : « Alors que les infirmières vont manifester un peu partout en France ce mardi, Raphaëlle Jean-Louis raconte dans un livre la maltraitance qu’elle a subie durant ses études. Symptôme d’une profession à bout ? ». (Diplôme délivré(e), parole affranchie d’une étudiante infirmière, Ed. Michalon)
Le journaliste explique que la jeune femme 
« vient de publier un témoignage sur son parcours d’étudiante infirmière, durant lequel elle a été confrontée à un certain sadisme de ses supposées formatrices. Et ce mardi, elle quitte de nouveau l’Orne où elle travaille dans un Ehpad pour manifester à Paris à l’appel de toutes les organisations soignantes qui s’alarment de l’absence de mesures à leur égard dans le dernier plan «Santé 2022» du gouvernement ».
Eric Favereau remarque ainsi que
 « le personnel soignant n’est pas franchement en forme. Les points noirs sont nombreux ; d’un point de vue financier, si l’on pouvait estimer qu’il y a 20 ans les infirmières hospitalières étaient correctement payées, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Et vivre avec le salaire d’une infirmière dans une grande ville relève du défi ».
« Quant aux infirmières exerçant en libéral, elles sont parfois contraintes à un travail à la chaîne pour s’en sortir. Plus globalement, les conditions de travail se sont, de tous côtés, tendues », 
poursuit-il.
Raphaëlle Jean-Louis écrit dans une lettre ouverte au président de la République : «
 Ma question est simple, est-il possible d’augmenter l’effectif des soignants dans les établissements qui en ont besoin ? Que faut-il faire faire afin de sauver les êtres humains qui y travaillent et d’éviter les suicides ? ».
Eric Favereau préicse que 
« diplômée depuis 3 ans, elle a publié à l’automne un journal qu’elle avait tenu pendant ses études d’infirmière, journal de bord qui pointe la maltraitance de ces jeunes étudiantes par leurs formateurs. C’est un thème tabou. Durant leurs études, la troisième et dernière année est essentiellement constituée d’un stage où l’élève infirmière travaille sous le contrôle d’une diplômée. Bizarrement, ces relations dérapent fréquemment. Sadisme, petite vengeance, grande frustration ? Ou est-ce une sorte de maltraitance institutionnelle ? ».
L’infirmière écrit notamment :
 « Nous sommes dans la salle de soins, et nous préparons ensemble des poches qui sont à poser dans quelques minutes. L’infirmière observe ce que je fais. Même si je suis en troisième année, celle-ci doit toujours avoir un regard sur moi. Soudain, elle se place au-dessus de mon épaule et me hurle : « Plus vite, lis l’ordonnance ! Fais-moi le calcul… Allez de tête, tu ne sers à rien, vite ! Dépêche-toi ! »» ».
Eric Favereau indique que la jeune femme 
« sera finalement soutenue par une coordinatrice de son école d’infirmières quand elle dénoncera certaines pratiques. De fait, son histoire n’est pas exceptionnelle, et récemment un autre livre a pointé cette violence, à l’égard cette fois des étudiants en médecine quand ils sont en stage ».
Raphaëlle Jean-Louis remarque que 
« cette maltraitance, très souvent, est le reflet de l’abandon de l’Etat, face aux conditions actuelles des soignants. L’épuisement professionnel conduit à la maltraitance, voire au suicide… Notre métier est déjà difficile en soi… alors si les conditions de travail ne sont pas adaptées… ».

Date de publication : 20 novembre 2018

« Pressions, surcharge de travail, horaires : témoignages d’infirmiers « oubliés » »

Le Parisien Libération

Le Parisien revient sur les rassemblements d’infirmiers de ce mardi, « pour protester contre le manque de reconnaissance de leur travail dans la prochaine réforme de la santé ».
Le journal observe que 
« certains parlent des charges et pressions de la Sécu qui pèsent sur leurs épaules. D’autres disent leur fatigue après de longues amplitudes horaires. Tous […], en tout cas, parlent d’un besoin de reconnaissance de leur métier, alors que les négociations avec l’Assurance maladie pour la prochaine réforme de la santé sont à un point d’arrêt ».
Le quotidien livre des témoignages, dont celui de Thierry, 54 ans, qui 
« travaille en Meurthe-et-Moselle en tant qu’infirmier libéral depuis 29 ans. Ses longues journées de travail, qui commencent à 6 heures et se terminent à 21 heures, se divisent en trois temps. «Un tiers est consacré à la paperasse, un tiers en voiture, un tiers à soigner», résume-t-il ».
« Une division du temps qui épuise l’infirmier », 
note Le Parisien, l’infirmier indiquant : « On passe beaucoup de temps à faire de la paperasse, à courir après les ordonnances qui ne correspondent pas toujours aux réglementations de l’Assurance maladie ».
Le quotidien relève que 
« ce sont les personnes âgées qui composent la majorité des patients de Thierry ». Ce dernier observe : « Il faut leur dire ce qu’il faut manger ou non, suivre leur traitement, faire une éducation thérapeutique, ou encore s’occuper de leur toilette. Tous les infirmiers font ça tous les jours. Mais on ne parle pas de nous. C’est peut-être parce qu’on le fait gratuitement ».
« Selon Thierry, tout irait mieux s’il pouvait «travailler directement avec les médecins», ou si les infirmiers étaient plus impliqués dans les «consultations de télésanté», un système qui se développe de plus en plus pour pallier les manques dans les déserts médicaux », continue 
Le Parisien.
De son côté, Pauline, 21 ans, « 
en dernière année d’études dans un grand institut de soins infirmiers en région parisienne, a enchaîné les stages en milieu professionnel. Elle a vite déchanté, au point d’envisager de changer de voie professionnelle à la fin de son cursus », remarque le quotidien.
La jeune femme déclare ainsi : «
 Beaucoup de personnes de ma promotion ne veulent plus faire ce métier et j’en fais partie ».
Le journal explique :
 « La «surcharge considérable de travail», le «manque de personnel» constant, le «travail fourni extrêmement important et éprouvant physiquement psychologiquement» mais sans «aucune reconnaissance (notamment salariale)» pourraient avoir raison de l’étudiante et de ses camarades. Sans oublier les «horaires et rythmes intensifs» ».
Libération évoque aussi ces 
« blouses blanches et bleues dans la rue. Elles se disent «oubliées», «sacrifiées». Plus d’un millier de blouses ont manifesté en France mardi. […] Elles dénoncent le «mépris» du gouvernement », relève le journal.
Le quotidien note : «
 Qu’ils soient libéraux ou salariés, les 660.000 infirmiers (des femmes à plus de 80%) étaient invités à cesser le travail par une dizaine d’organisations remontées contre le plan santé présenté en septembre par l’exécutif, «trop centré sur les médecins» ».
« «C’est tout le contraire», s’est défendue la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, pour qui cette réforme «décharge sur l’ensemble des professionnels de santé» le suivi des malades chroniques », 
poursuit Libération.
Le journal observe que « 
c’est la création de 4000 postes d’«assistants médicaux», à mi-chemin entre le secrétariat et le métier d’aide-soignante, qui a mis le feu aux poudres. «On invente des nouveaux métiers pour faire des choses qu’on fait déjà depuis de nombreuses années», s’est indignée, à Lille, Sandra Dupuis. Marie-Cécile Decker, qui travaille au bloc à l’hôpital de Mulhouse, demande, elle, que le ministère «entende que les gens s’épuisent au travail» ».

Date de publication : 21 novembre 2018

« La mort telle qu’elle n’avait jamais été vue »

Les Echos

Yann Verdo indique dans Les Echos qu’« une expérience réalisée dans une université berlinoise a permis de visualiser ce qui se passait dans le cerveau d’un mourant au moment fatidique. Et les résultats, inédits, sont étonnants. Cérébralement parlant, la mort est moins une extinction qu’un ultime embrasement électrique ».
Le journaliste explique que 
« dans une étude publiée par la revue Annals of Neurology qui a fait sensation – et qui fera sans doute date dans l’histoire encore toute récente de la thanatologie -, le professeur en neurologie expérimentale à l’université Charité de Berlin, Jens Dreier, détaille l’expérience extraordinaire à laquelle son équipe et lui se sont livrés sur neuf patients ».
« Ces neuf personnes, toutes entrées en soins intensifs à la suite de blessures cérébrales, faisaient l’objet d’un monitorage neurologique lourd, plus invasif qu’un simple électroencéphalogramme », 
indique Yann Verdo.
Stéphane Marinesco, responsable du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, précise :
 « Il s’agit d’une technique non conventionnelle, qui permet d’enregistrer l’activité électrique du cerveau, y compris à de très basses fréquences, de l’ordre de 0,01 hertz ».
Yann Verdo explique ainsi que 
« les basses fréquences émises par le cerveau ont du mal à traverser le scalp, ce qui les rend indétectables aux appareils d’électroencéphalogramme dont les électrodes sont placées sur le cuir chevelu. Dans le système de monitorage dont étaient équipés les patients du service du Pr Dreier, les électrodes étaient placées à l’intérieur du crâne, et même sous la dure-mère, cette membrane rigide qui entoure le cerveau et la moelle épinière ».
« Cet accès aux très basses fréquences, correspondant à une activité électrique lente, a été la fenêtre qui a permis à Jens Dreier et son équipe de visualiser ce qui se passait dans le cerveau de personnes en train de mourir », 
note le journaliste.
Il ajoute que «
 pour leur expérience, les neuroscientifiques allemands ont simplement demandé aux familles, une fois devenu évident que le patient ne survivrait pas à son accident, l’autorisation de poursuivre l’enregistrement jusqu’au bout. Et même un peu au-delà du «bout», c’est-à-dire de la mort cérébrale, ce moment à partir duquel un classique électroencéphalogramme n’enregistre plus aucune activité cérébrale et que l’OMS considère comme le critère médico-légal du décès ».
Yann Verdo observe donc : «
 Qu’ont montré les enregistrements réalisés à la Charité de Berlin ? Quelque chose de tout à fait fascinant, jusque-là inédit, et qui devrait peut-être amener les spécialistes à reconsidérer leur définition du décès et de son moment exact ».
Il précise que 
« ce phénomène cérébral […] survient entre 2 et 5 minutes après l’ischémie, moment où les organes (dont le cerveau) ne sont plus alimentés en sang et donc en oxygène. Et il dure lui-même une petite dizaine de minutes. On peut l’assimiler à une sorte d’incendie électrique qui s’allume à un bout du cerveau et, de là, se propage à la vitesse de 50 microns par seconde dans tout l’encéphale avant de s’éteindre à l’autre bout, son œuvre de destruction accomplie. Les neuroscientifiques parlent de «vague de dépolarisation» ».
Yann Verdo explique que 
« pour maintenir le «potentiel de membrane» qui lui permet de communiquer avec ses voisins sous forme d’influx nerveux, un neurone a besoin d’énergie. Et donc d’être irrigué en permanence par le sang venu des artères qui lui apporte l’oxygène indispensable à la production de cette énergie sous forme d’adénosine triphosphate (ATP). Tout le travail de Jens Dreier a consisté à observer ce qui se passait pour les neurones une fois que, le cœur ayant cessé de battre et la pression artérielle étant tombée à zéro, ils n’étaient plus alimentés en oxygène ».
Stéphane Marinesco note que selon ce travail
, « les neurones se mettent alors en mode ‘économie d’énergie’ ». Yann Verdo précise que « pendant les 2 à 5 minutes séparant l’ischémie de l’apparition de la vague de dépolarisation, ils puisent dans leurs réserves d’ATP pour maintenir leur potentiel de membrane. Pendant cette phase intermédiaire, au cours de laquelle le cerveau est littéralement entre la vie et la mort, celui-ci ne subit encore aucune lésion irréversible : si l’apport en oxygène venait à être rétabli, il pourrait se remettre à fonctionner sans dommages majeurs ».
Le journaliste poursuit : «
 Mais cette résistance héroïque des cellules nerveuses a ses limites. A un moment donné, en l’un ou l’autre endroit du cerveau, un premier neurone «craque», c’est-à-dire qu’il dépolarise. Les stocks de potassium qui lui permettaient de maintenir son potentiel de membrane étant devenus inutiles, il les largue dans le milieu extra-cellulaire. Il agit de même avec ses stocks de glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau ».
Yann Verdo indique que 
« ce faisant, ce premier neurone initie une redoutable réaction en chaîne : le potassium et le glutamate par lui libérés atteignent un neurone voisin dont ils provoquent aussitôt la dépolarisation ; à son tour, ce deuxième neurone relâche ses stocks et provoque la dépolarisation d’un troisième, etc. ».
« Ainsi apparaît et se propage la vague de dépolarisation, correspondant à l’activité électrique lente enregistrée par le système de monitorage spécifique utilisé à la Charité de Berlin. Le «bouquet final» du cerveau sur le point de s’éteindre définitivement », 
remarque le journaliste.
Il ajoute : «
 L’embrasement final du cerveau mis en lumière par l’expérience de Jens Dreier est-il à l’origine de l’apparition de cette intense lumière blanche que les personnes ayant fait une expérience de mort imminente disent avoir vue briller au bout d’un mystérieux tunnel ? Cela, l’étude ne le dit pas. Mais l’hypothèse ne paraît pas indéfendable ».

Date de publication : 26 novembre 2018

« La psychiatrie en crise »

La Croix

Pierre Bienvault constate en effet dans La Croix que « dans de nombreux hôpitaux psychiatriques, les soignants se plaignent de leurs conditions de travail ».
Il cite René Navarette, infirmier en psychiatrie, représentant de la CGT à l’hôpital du Rouvray, près de Rouen :
 « En psychiatrie, on travaille sur l’humain. Et c’est sans doute pour cela que le soir, quand je rentre chez moi, j’ai comme une boule dans la gorge. J’ai le sentiment de ne pas avoir été un bon soignant. De ne pas m’être occupé de mes patients comme j’aurais voulu et dû le faire. Parce qu’à force de courir partout et tout le temps, on finit par se détourner de tout ce qui constitue notre éthique de soignant ».
Pierre Bienvault observe que 
« ces derniers mois, cet établissement est devenu la figure de proue de la crise de la psychiatrie en France. Le 21 mai dernier, après 2 mois de conflit, 7 soignants y ont entamé une grève de la faim. Finalement, le 8 juin, un accord a débouché sur la création d’une unité pour adolescents et de 30 postes ».
René Navarette indique ainsi 
: « On devrait avoir 20 postes cette année et 10 l’an prochain. Mais cela reste insuffisant puisqu’on demandait 50 postes ».
Pierre Bienvault relève que le 
« constat [est] partagé par de nombreux soignants qui, depuis des mois, un peu partout en France, multiplient les grèves ou les tribunes dans la presse pour réclamer des moyens supplémentaires ».
Le journaliste explique que 
« pour comprendre les racines du malaise, il faut remonter aux années 1960. Et au mouvement de «désinstitutionalisation» ou «désaliénation» qu’a alors connu la psychiatrie. Un virage majeur construit autour d’une idée forte et belle : faire sortir les malades des murs des asiles pour leur permettre de vivre au cœur de la cité ».
Il note que
 « désormais, plus de 8 patients sur 10 en psychiatrie sont suivis en ville. Sans jamais être hospitalisés, ou de manière ponctuelle. Le problème est que, dans beaucoup d’endroits, le système s’est engorgé avec des files d’attente à tous les niveaux ».
Pierre Bienvault remarque ainsi que selon Christelle Leclerc, infirmière CGT à l’hôpital Pinel d’Amiens
, « toute la chaîne de soins est sous tension ».
L’infirmière déclare : 
« Les CMP [centres médico-psychologiques] maintiennent à bout de bras des patients qui auraient besoin d’être hospitalisés. Mais quand leur situation ne présente pas un caractère d’urgence immédiat, on refuse souvent ces patients, faute d’avoir un lit disponible. Résultat, leur état s’aggrave et, quand ils reviennent, on finit par les prendre. Mais leur état est tel qu’ils restent parfois hospitalisés 3 mois alors que, si on avait pu les accueillir plus tôt, ils seraient peut-être restés seulement 15 jours ».
Le journaliste continue : 
« A-t-on fermé trop de lits en psychiatrie ? La question revient chez beaucoup de soignants. De fait, la «désaliénation» s’est accompagnée d’une réduction importante du nombre de lits d’hospitalisation ».
Jean-Pierre Salvarelli, chef de pôle à l’hôpital du Vinatier à Lyon, remarque ainsi qu’
« en 20 ans, on est passé de 130.000 à 50.000 lits alors que, dans le même temps, la demande de soins a explosé. Il y a 20 ans, on suivait 1 million de patients dans la psychiatrie publique. Aujourd’hui, on en est à 2 millions ».
« La psychiatrie est un peu victime de son succès. Même si la stigmatisation reste forte autour de la maladie mentale, de plus en plus de gens n’hésitent plus à aller à consulter, par exemple, pour des troubles du comportement ou des troubles anxio-dépressifs », 
note le spécialiste.
L’Igas observe pour sa part : «
 Il est inexact de parler d’un appauvrissement de la psychiatrie. […] Le nombre de psychiatres pour 100.000 habitants est passé de 15 en 1984 à 22 en 2016 ».
Le Pr Pierre-Michel Llorca, chef du service psychiatrie au CHU de Clermont-Ferrand, précise que 
« le problème, c’est aussi l’organisation des soins. Il faudrait suivre l’exemple de ce qui a été fait pour le cancer. Il y a 20 ans, les soins de cette maladie étaient largement éclatés en France. Mais, depuis, il y a eu plusieurs plans cancer ainsi que la création d’un grand institut qui a permis de coordonner la prévention, les soins et la recherche. L’enjeu majeur, est désormais d’avoir la même impulsion politique pour faire bouger les choses en psychiatrie ».

Date de publication : 27 novembre 2018

 

 


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