« Covid-19 : le cri d’alerte des psychiatres pour leurs patients laissés pour compte »
Le Parisien publie une tribune dans laquelle « une centaine de médecins s’inquiètent du sort des 12 millions de personnes souffrant de troubles psychiques, très perturbés par le confinement et qui consultent beaucoup moins ».
Le journal note ainsi : « «Ce sont les grands oubliés de la crise.» Marion Leboyer le répète, elle est extrêmement inquiète. En pleine épidémie de coronavirus, cette professeure de psychiatrie à l’université Paris-Est Créteil fait le même constat que ses confrères. Un plan blanc pour les hôpitaux, un plan bleu pour les Ehpad et rien pour la psychiatrie ». La psychiatre déclare : « On craint une vraie perte de chances pour les malades ».
Le Parisien explique que « la Fondation FondaMental, dédiée aux pathologies mentales qu’elle dirige, lance un appel à l’aide. […] Sa tribune, signée par une centaine de médecins et d’associations, réclame plus d’attention à l’égard de cette population fragile et souvent stigmatisée. Elle doit, disent-ils, être considérée parmi les plus à risque d’être atteinte par le Covid-19 et de développer des formes graves de la maladie ».
« Car parmi les 12 millions de Français, atteints de troubles anxieux, de l’humeur, de troubles psychotiques, schizophréniques, autistiques, un certain nombre peut avoir des difficultés à bien respecter les règles de confinement et les gestes barrière à cause de problèmes de concentration ou d’altération de la mémoire. Ils présentent aussi deux fois plus de pathologies physiques, comme des troubles cardio-vasculaires ou respiratoires, que la population générale », souligne le quotidien.
Le journal observe que « l’urgence est là d’autant que la réalité du terrain interpelle. «Où sont nos patients ?» reprend Marion Leboyer. Les urgences psy ? Moins fréquentées. Les unités Covid ouvertes pour ces malades dans les hôpitaux ? A moitié vides ».
Le Parisien remarque que « si les malades ne se déplacent pas, c’est sans doute par peur du virus », le Dr Corentin Rabu, responsable d’un service de psychiatrie à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil), relevant : « Ils craignent probablement d’être contaminés à l’hôpital et l’accès aux soins leur paraît plus compliqué à l’heure où les médecins sont débordés par l’épidémie ».
Le journal indique que le psychiatre « distingue deux groupes de patients. Le premier peut attendre de voir un psychiatre. Le deuxième, au contraire, a besoin de soins urgents. D’autant qu’en cette période anxiogène, leurs troubles psychiques risquent de s’aggraver ».
Le Dr Rabu souligne ainsi que « les patients souffrant de dépression ont déjà beaucoup de mal à demander de l’aide. S’ils pensent que c’est plus difficile aujourd’hui, ils risquent de ne pas le faire ».
Le Parisien précise : « La crainte, une hausse du nombre de suicides », et cite Rachel Bocher, chef d’un service de psychiatrie au CHU de Nantes : « Si vous êtes en difficulté psychique ou si vous avez des symptômes du virus, n’attendez pas [pour consulter] ».
Date de publication : 9 avril 2020
« Covid-19 : l’occasion de reconsidérer la fin de vie dans la dignité ? »
C’est ce que titre Libération, qui livre une tribune sur le sujet, rédigée par Martin Winckler, médecin, écrivain, président du Comité d’honneur du Choix, citoyens pour une mort choisie, Denis Labayle, médecin hospitalier, écrivain, coprésident de l’association, et Bernard Senet médecin généraliste, membre du collège décisionnel de l’association.
Les signataires écrivent que « le Rivotril, dont la délivrance vient d’être autorisée en pharmacie, évite aux personnes agonisant en ville et dans les Ehpad de mourir dans les souffrances de l’asphyxie. La précipitation dans laquelle cette autorisation a été accordée serait-elle le signe que la pandémie amène enfin à reconsidérer les problèmes de la maladie et de la souffrance à la fin de l’existence ? ».
Ils poursuivent : « L’infection au Covid-19 n’aura pas fini de mettre en lumière nos erreurs et nos manques de réflexion en matière sanitaire. Cette politique de l’autruche ne date pas d’aujourd’hui, ni même d’hier, mais d’avant-hier. Trop longtemps nous avons fait confiance aux technocrates et aux idéologues libéraux de la santé ».
« Après le manque de soignants par le blocage du numerus clausus (1971), après la diminution drastique des lits d’hospitalisation au nom d’une vision mercantile (moins de 40% de lits en 50 ans), nous découvrons le manque possible de médicaments du fait de la course au profit maximum des entreprises pharmaceutiques qui ont délocalisé leur production », ajoutent les trois médecins.
Ils relèvent : « Le décret que vient d’émettre le Premier ministre, le 28 mars, autorisant la vente en pharmacie du Rivotril intraveineux, a pour objectif d’éviter aux personnes agonisant en ville et dans les Ehpad de mourir dans les souffrances cruelles de l’asphyxie. Même si ce décret limite dans le temps l’autorisation de l’emploi du Rivotril intraveineux, il est une reconnaissance officielle de l’aide médicale à mourir. Ce que beaucoup réclament depuis des années. Il est temps de reconnaître la valeur éthique et humaine des médecins qui ont le courage d’éviter à leur patient une agonie inutile et douloureuse ».
« Toutefois, par la précipitation dans lequel il a été élaboré, ce texte ministériel pose trois problèmes de fond. Tout d’abord, où est la collégialité nécessaire à une telle décision ? La loi Claeys-Leonetti n’a rien précisé sur ce point essentiel. […] Ensuite, la limitation du décret dans le temps. Pourquoi ce qui est considéré comme une solution humaine un jour ne le serait pas demain ? […] Enfin, il manque dans ce décret l’élément essentiel : le choix du malade ou l’avis de la personne de confiance. Pourquoi refuse-t-on que «les directives anticipées» soient un véritable testament, laissant à chacun la liberté de choisir sa fin de vie ? », poursuivent les signataires.
Ils s’interrogent : « Une fois éloignée, la pandémie au Covid-19 va-t-elle nous amener à reconsidérer autrement les problèmes de la maladie, de la souffrance, de la fin de vie ? Nos hommes politiques vont-ils enfin ouvrir les yeux sur ces erreurs et ces manquements que nous avons été nombreux à dénoncer depuis longtemps ? […] ».
Date de publication : 9 avril 2020
« L’impact inquiétant du confinement sur l’état psychologique des Français »
Soline Roy s’interroge dans Le Figaro : « Les Français sortiront-ils indemnes sur le plan psychique du long confinement qui, depuis la mi-mars, s’impose à eux ? Si l’aréopage d’experts qui conseillent le gouvernement dans la lutte contre l’épidémie ne comporte pas de psychiatre, ces derniers n’ont pas manqué de s’emparer du sujet. Et leurs premières conclusions dessinent un tableau inquiétant… ».
La journaliste souligne que « les Français comprennent la nécessité du confinement, et le besoin de le prolonger. Mais ils en souffrent : 74% des adultes rapportent des problèmes de sommeil dont la moitié est apparue avec le confinement, et 37% présentent des signes de détresse psychologique, selon la deuxième vague (mesurée fin mars-début avril) de l’enquête Coconel, menée par un consortium de chercheurs (UMR Vitrome, Marseille, Centre d’investigation clinique Cochin-Pasteur, Paris, École des hautes études en santé publique, Rennes et Observatoire régional de la santé SudProvence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille) sur un panel Ifop d’un millier de Français ».
Ces chercheurs soulignent : « La comparaison avec les dernières données collectées en population générale en 2017 suggère une nette dégradation de la santé mentale au cours du confinement. Cette situation est d’autant plus inquiétante que (…) beaucoup de patients renoncent à consulter un médecin du fait du confinement. Si cette situation perdure encore plusieurs semaines, elle pourrait favoriser la survenue de pathologies psychiatriques sévères, et un rebond de la demande de soins en levée de confinement, auquel il convient de se préparer ».
Le Pr Nicolas Franck, psychiatre au Centre hospitalier Le Vinatier (Lyon), explique pour sa part que « le niveau de bien-être mental a été altéré dès la deuxième semaine de confinement. Cela peut préfigurer le développement de troubles mentaux chez les personnes les plus fragiles ».
Soline Roy souligne que « les addictions, notamment aux écrans, semblent prospérer ». Le Pr Franck indique : « Comme l’anxiété et la dépression, ce sont des troubles dans lesquels il est plus facile d’entrer que de sortir… Une étude a montré qu’après 2 mois de confinement en Chine, le taux de troubles mentaux caractérisés (dépression et troubles anxieux en particulier) a atteint 47%. La population française est exposée à un risque sévère, on crée des pathologies avec le confinement. J’ai échangé avec la Direction générale de la santé, qui m’a indiqué que cet aspect prend, petit à petit, de plus en plus de place ».
La journaliste relève enfin que des chercheurs du groupe Covadapt « ont formulé des recommandations aux pouvoirs publics. […] Ils jugent particulièrement importantes : «la stabilité du discours de crise», notamment sur l’accessibilité et l’utilité des masques ou des tests de dépistage sérologiques ; «une projection à long terme de la situation de confinement et de crise», en annonçant d’emblée un confinement long plutôt que par étapes, «quitte à réduire finalement la durée (…) plutôt que de l’allonger» ; «une équité dans le traitement des citoyens» ; et enfin une explication claire des données scientifiques sur lesquelles s’appuient les décisions politiques, et la quantification du «rapport bénéfice-risque du confinement en intégrant l’ensemble des éléments d’évaluation» (années de vie et de qualité de vie perdues, risques sociétaux et sécuritaires…) «plutôt que de se limiter au décompte des seuls morts directement dus au virus». Des conseils dans l’ensemble plutôt à rebours de ce qui a été fait jusqu’ici… ».
Date de publication : 15 avril 2020
« Le risque humain et psychique du confinement risque de dépasser le risque sanitaire »
Libération observe que « selon le psychiatre Stephan Eliez, le confinement exacerbe les tensions émotionnelles comme l’angoisse liée au virus ou le stress généré par le télétravail. Et toutes les familles ne sont pas égales face à la promiscuité ».
Le journal relève ainsi que « pour Stephan Eliez, professeur en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, à la faculté de médecine de l’université de Genève, toutes les familles ne sont pas égales dans ce confinement. […] Il propose des techniques pour rester en contact avec nos émotions et celles des autres ».
Libération interroge notamment : « Le confinement met les familles face à un défi : comment vivre ensemble tout le temps quand la possibilité de l’autre et de l’extérieur est anéantie ? ».
Le psychiatre répond que « pour les familles, le défi est double. D’abord, le confinement exacerbe les tensions émotionnelles, le stress et l’angoisse liés au virus évidemment mais aussi au travail des parents, l’incertitude professionnelle, aux études des enfants, les questions d’argent… ».
« Paradoxalement, la difficulté pour les membres de la famille peut être de se rencontrer. On est cloîtrés ensemble en 2020, mais via les écrans, on peut être là sans être là. Il faut savoir qu’aujourd’hui les parents passent 25% de temps en moins avec leurs enfants par rapport aux années 90. Ils travaillent plus et les jeunes ont créé des communautés d’adolescents plus présentes », souligne Stephan Eliez.
Il ajoute que « le télétravail représente un deuxième défi de taille, il a fait irruption dans le foyer et génère du stress, comment travailler avec les enfants dans des appartements où il est difficile de s’isoler ? L’intimité est aussi un sujet, l’intimité sexuelle pour les parents mais aussi pour les adolescents ».
Libération s’enquiert : « Des clés pour sauver l’amour ? ». Le psychiatre indique qu’« on parle beaucoup de communication. Plus que le fond, c’est la forme qui compte. Le sarcasme et l’ironie dans le propos par exemple sont des signes catastrophiques pour la survie d’un couple. S’accorder aussi un temps d’écoute pendant lequel l’un parle et l’autre écoute. Une écoute attentive, sans réponse nécessaire. Cela réduit l’anxiété, permet de prendre soin les uns des autres. Dans le couple mais aussi avec ses enfants, la mentalisation a fait ses preuves. Il s’agit d’avoir l’autre à l’esprit. Que ressent-il dans cette situation ? ».
Date de publication : 16 avril 2020
« A l’hôpital, vague de fatigue et vague à l’âme »
Jean-Paul Mari observe dans Libération que « l’hôpital, grand corps malade, fait son examen. Entre deux vagues. La première, terrible, et la présumée deuxième à venir. Vague de fatigue et vague à l’âme ».
Le journaliste « suit au jour le jour le combat d’une équipe médicale dans un hôpital d’Ile-de-France ». Il relève que « le système a tenu. On a poussé les murs, basculé le service de réa en cardio, la médecine interne en traumato… un jeu de chaises médicales. Aujourd’hui, à l’heure de la décrue, on refait la même chose en sens inverse, en gardant quelques lits de plus en réserve. Tout le personnel «Covid» est désormais équipé de masques et même de blouses certes un peu «folkloriques», bleues ou vertes, lacées devant ou derrière, qu’importe. Les acrobates de la logistique ont assuré ».
Jean-Paul Mari note qu’« en réanimation, les morts et les guéris libèrent des lits et les soignants eux-mêmes convalescents ont repris leur poste de travail. La saignée a été rude. Peu de crises de nerfs, mais une avalanche de Covid ».
Il continue : « Au centre de dépistage, on continue à recevoir entre 15 et 25 soignants par jour avec un taux de positifs entre 30% et 50%. En tout, 400 hospitaliers – aides-soignantes, infirmières, médecins – ont été arrêtés. Une semaine plus tard, 2 tout au plus, pâles et épuisés, ils sont de retour. Ces derniers temps, les testeurs ne cherchent plus à discerner les symptômes. Toux, fièvre, essoufflement, courbatures, maux de tête, perte d’odorat, «la « saleté » a montré qu’elle n’avait aucune logique. Il y en a pour tous les goûts», grince Gérard, le responsable ».
Jean-Paul Mari observe qu’« il y a ceux qui grognent, et c’est bon signe, retrouvant les réflexes des grévistes du début de la crise. Ceux qui n’encaissent plus rien, un drame personnel ou une lettre porteuse de mauvaise nouvelle. Et celui qui explose, de retour à la maison après 12 heures de travail et découvre les lettres de voisins grincheux qui lui reprochent de faire trop de bruit… ».
Le journaliste relève ainsi qu’« entre tension et abattement, les automates assurent les gestes du quotidien mais, dans les couloirs, ils semblent marcher en apesanteur. Sonnés, en errance, comme un peu perdus. Alors ils s’accrochent – pas à une prime de plus ! – à une garde de nuit, un patient miraculé ou à cet énorme gâteau de remerciement envoyé par un proche d’un malade Covid, une montagne de crème bleue piquée d’une ambulance Samu en pâte d’amande, avec stéthoscope, masque chirurgical, carte Vitale, boîte de pilules et même électroencéphalogramme en sucre glace ! Une douceur à l’âme. Entre deux vagues d’une vilaine tempête ».
Date de publication : 21 avril 2020
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