Cannabis : « Un risque d’altérations cérébrales chez l’adolescent »
Date de publication : 6 mai 2021
Le Figaro consacre sa Une et 3 pages à la « légalisation du cannabis » et au « débat [qui] divise la majorité », relevant qu’« un rapport parlementaire soutenu par des députés LREM propose de légaliser cette drogue ».
Cécile Thibert rappelle cependant que le cannabis « altère les facultés cognitives et peut favoriser le déclenchement de troubles psychotiques. Des effets délétères qui durent jusqu’à la fin de la maturation du cerveau, vers 25 ans ».
La journaliste indique ainsi : « Loin des débats passionnés, que dit la science sur les risques liés à la consommation de cannabis ? ».
Le Pr Nicolas Authier, médecin psychiatre et pharmacologue au CHU de Clermont-Ferrand, répond qu’« ils sont plutôt bien connus, il s’agit principalement d’effets neuro-psychiques tels que l’altération des capacités d’apprentissage, de mémorisation, de jugement, des effets sur les émotions, l’anxiété. Cela peut aussi entraîner des crises d’angoisse ».
« Des problèmes qui peuvent apparaître dès la première consommation mais qui surviennent surtout chez les consommateurs réguliers », ajoute Cécile Thibert.
Elle explique que « le cannabis est une plante contenant plus de 500 composés chimiques, dont les plus connus sont le tétrahydrocannabinol (THC), responsable de la plupart des effets psychoactifs, et le cannabidiol (CBD), qui n’a pas d’effet psychoactif et qui, au contraire, atténue les effets du THC ».
La journaliste note que « le THC peut être à l’origine de troubles psychotiques tels qu’«un sentiment de persécution, une paranoïa, indique le Pr Authier. Ce peut être des effets transitoires qui disparaissent après quelques heures, mais ils peuvent revenir. Évidemment, cela ne touche qu’une minorité de fumeurs» ».
Cécile Thibert continue : « Contrairement aux idées reçues, la schizophrénie ne peut pas être déclenchée par le cannabis seul ». Le Pr Authier explique qu’« il faut avoir des facteurs de vulnérabilité, qu’ils soient d’ordre génétique ou environnementaux ».
Le Pr Amine Benyamina, chef du service de psychiatrie et addictologie à l’Hôpital Paul-Brousse à Villejuif, ajoute : « Dire que le cannabis seul est dangereux n’a pas de sens. Il le devient lorsqu’il est associé à un certain nombre de facteurs de risque ».
La journaliste précise : « Précocité et fréquence de consommation sont sans doute ceux qui pèsent le plus lourd, car jusqu’au début de l’âge adulte, le cerveau poursuit son processus de maturation. […] L’existence de prédispositions personnelles ou familiales est aussi un facteur de fragilité. […] Entre aussi en ligne de compte le type de cannabis consommé ».
Le Pr Benyamina remarque ainsi : « Toute personne qui a des antécédents psychiatriques ou dont un membre de la famille présente un risque augmenté. […] Nous savons que [le type de cannabis] qui circule actuellement sur le marché contient de plus en plus de THC et de moins en moins de CBD, ce qui augmente clairement les risques ».
Le Pr Authier ajoute que pour les adultes, « si on est anxieux ou déprimé, ce n’est pas forcément une bonne chose d’en consommer. Cela peut impacter le moral dans le mauvais sens ». Le Pr Benyamina rappelle enfin que « quand on le compare à l’alcool ou au tabac, on peut clairement dire que le cannabis est moins létal. L’alcool tue 40.000 personnes chaque année en France, le tabac 72.000 ».
« L’addiction, une affaire de rythme cérébral ? »
Date de publication : 10 mai 2021
Stéphany Gardier remarque dans Le Figaro que « nous ne sommes pas égaux face à l’addiction. Mais à ce jour, il reste difficile de savoir si un consommateur de produits psychotropes développera un usage problématique conduisant à l’addiction, ou s’il saura maintenir un usage récréatif. Or, pour mettre en place des préventions et des prises en charge les plus efficaces possibles, identifier précocement les sujets à risque semble primordial ».
La journaliste fait savoir que « les travaux expérimentaux d’une équipe de Marseille, récemment publiés dans la revue PNAS, apportent des clés de compréhension sur les mécanismes à l’œuvre dans le cerveau face à l’addiction et mettent en évidence, chez l’animal, un marqueur prédictif des comportements à risques ».
Christelle Baunez, directrice de recherche à l’Institut de neurosciences de la Timone, co-autrice de ce travail, précise : « L’addiction se caractérise notamment par une perte de contrôle vis-à-vis de la consommation de la substance, mais aussi par le fait que les personnes avec une conduite addictive continuent à rechercher et consommer bien qu’ils en connaissent les conséquences négatives. Nous avons utilisé un protocole qui permet de reproduire ces comportements chez des rats ».
Stéphany Gardier note ainsi que « les animaux ont été mis en présence de cocaïne, qu’ils pouvaient consommer librement pendant 6 heures chaque jour. «Dans cette phase, on observe pour tous les animaux une escalade, ils consomment tous, et de plus en plus», détaille la chercheuse. Par la suite les animaux ont été mis face à une punition : lorsqu’ils actionnaient un levier pour rechercher la cocaïne, ils avaient une chance sur deux de recevoir un léger choc électrique ».
La journaliste relève que « deux types de rats se sont distingués. Une majorité préfère se priver de cocaïne plutôt que de prendre le risque de recevoir le choc électrique, alors qu’une minorité d’animaux continue à appuyer sur le levier, quelle qu’en soit la conséquence. Ces derniers ont un comportement similaire à celui observé chez les patients souffrant d’addiction ».
Stéphany Gardier observe qu’« aucun paramètre comportemental ne permettait initialement de prévoir quel rat allait développer cette conduite addictive à la cocaïne. […] C’est en comparant l’activité cérébrale des rats que [les auteurs] ont trouvé une disparité : l’analyse des enregistrements réalisés dès le début du protocole a mis en évidence une différence d’activité du noyau sous-thalamique, une petite structure cérébrale très étudiée pour son implication dans la maladie de Parkinson ».
Christelle Baunez indique que « ce noyau a une activité électrique rythmique oscillatoire à différentes fréquences. Nous avons constaté que les rats qui in fine avaient une conduite addictive montraient tout au long du protocole une augmentation progressive des basses fréquences, entre 6 et 20 Hz ».
Stéphany Gardier ajoute que « les scientifiques sont allés plus loin et ont réussi à démontrer le lien de causalité entre cette variation d’activité électrique et le comportement des animaux face à la cocaïne. Grâce à des électrodes, ils ont pu modifier l’activité électrique du noyau sous-thalamique de rats qui, lors du premier protocole, avaient stoppé leur consommation de drogue face à la punition ».
« Avec des stimulations à basse fréquence (8 Hz), les animaux réexposés à l’escalade de prise de cocaïne sont devenus résistants à la punition. D’autre part, chez les individus résistants à la punition et donc «addicts», l’application d’une autre fréquence d’oscillations (30 Hz) dans le noyau sous-thalamique des animaux a permis de réduire leur appétence pour la cocaïne », continue la journaliste.
Christelle Baunez prévient toutefois : « Enregistrer l’activité du noyau sous-thalamique nécessite des électrodes implantées dans le cerveau, ce qui est inimaginable dans une démarche de dépistage. Mais nous allons maintenant étudier les activités plus superficielles du cerveau et voir si cette signature profonde a une répercussion qui serait détectable avec un simple électroencéphalogramme, un examen qui n’est pas invasif et peut se réaliser facilement en dépistage ».
« La réalité virtuelle, un allié réel contre la douleur »
Date de publication : 11 mai 2021
La Croix constate que « l’utilisation de casques plongeant les malades dans d’autres univers peut faciliter certains soins mais aussi apaiser des douleurs chroniques ».
Jeanne Ferney livre ainsi les propos de Lionel Bonnet, kinésithérapeute au CHU de La Réunion qui« depuis un an et demi […] utilise la réalité virtuelle pour rééduquer des personnes souffrant de douleurs chroniques ».
Il indique : « Ce matin, j’ai reçu une fillette atteinte d’arthrite juvénile. Comme elle rêvait d’aller à la neige, je lui ai fait faire de la luge et du ski ».
Jeanne Ferney remarque que « ces immersions dans d’autres mondes n’ont pas seulement l’avantage de détourner l’attention des malades ».
Lionel Bonnet précise ainsi : « Pendant quelques minutes, ces gens qui vivent jour et nuit avec des douleurs persistantes vont passer un moment agréable, mais aussi gagner en mobilité en se concentrant sur un exercice imposé. Quand je leur montre la vidéo, ils sont toujours stupéfaits de voir les mouvements qu’ils ont faits, alors qu’ils ont souvent développé une kinésiophobie, une peur de bouger. Là, ils sautent pour éviter un obstacle ou se baissent pour contourner une branche… ».
La journaliste observe que « loin d’être de simples gadgets, les casques de réalité virtuelle sont ainsi devenus de précieux alliés des soignants pour soulager la douleur, qu’elle soit chronique ou aiguë ».
Le Dr Abesse Ahmeidi, chef du département d’anesthésie-réanimation-douleur au Centre de lutte contre le cancer Oscar-Lambret (Lille), indique que « ce sont des dispositifs médicaux à part entière, avec des normes au niveau européen. Le parcours des personnes atteintes d’un cancer est souvent jalonné de prises de médicaments, de chirurgie, de radiothérapie. Le recours à la réalité virtuelle ne les remplace pas mais elle représente une autre voie ».
Anne-Céline Milanov, psychologue au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur chronique de la clinique de la Toussaint, à Strasbourg, explique pour sa part que « dans le cas de douleurs chroniques, l’intrication entre anxiété et ressenti douloureux est souvent très forte. Agir sur l’une, c’est agir sur l’autre ».
« Gestes suicidaires en France : des signaux de hausse chez les jeunes »
Date de publication : 17 mai 2021
Sandrine Cabut évoque dans Le Monde « des chiffres à interpréter avec prudence, mais qui rejoignent ce qu’observent des pédopsychiatres sur le terrain depuis quelques mois ». La journaliste note en effet que « les tentatives de suicide (TS) semblent à la hausse en France chez les enfants, mais aussi chez les adolescents et les jeunes adultes, selon plusieurs enquêtes ».
Elle relève ainsi que « le nombre d’appels aux centres antipoison (CAP) pour intoxication volontaire est en augmentation depuis le deuxième confinement de l’automne 2020, et la tendance s’accentue depuis début 2021, en particulier chez les jeunes, selon une étude en cours de publication ».
Sandrine Cabut explique que « le Dr Dominique Vodovar (médecin au CAP de Paris) et le Pr Fabrice Jollant, psychiatre et chercheur (GHU Paris psychiatrie et neurosciences), ont analysé l’activité des 8 CAP du territoire, entre le 1er janvier 2018 et le 31 mars 2021. Ils se sont en particulier intéressés aux appels (provenant soit de professionnels accueillant ces patients en urgence, soit des suicidants eux-mêmes ou de leur entourage) pour tentative de suicide par ingestion de produits ménagers, de plantes ou le plus souvent de médicaments. Sur cette période de 3 ans et un trimestre, environ 50.000 dossiers ont été examinés ».
Le Dr Vodovar souligne ainsi : « Alors que le nombre d’appels quotidiens pour TS avait nettement chuté pendant le premier confinement [du 17 mars à au 11 mai 2020], on observe une hausse globale depuis celui de l’automne 2020 et surtout depuis janvier, essentiellement chez les 12-24 ans ».
Sandrine Cabut ajoute que « l’augmentation récente des tentatives de suicide chez les jeunes est à rapprocher d’autres signaux de mal-être rapportés dans cette catégorie de population par les médecins : anxiété, troubles du sommeil, états dépressifs… En cause, le stress persistant et la situation exceptionnelle engendrés par la pandémie, qui exacerbent les fragilités psychologiques. Mais peut-être aussi d’autres facteurs ».
Le pédopsychiatre Richard Delorme remarque que « cette génération subit une incroyable pression entre la crise sanitaire, l’inquiétude écologique et les menaces d’attentats qui la touchent aussi ».
La journaliste indique notamment que « de janvier à mars 2021, les CAP ont traité quotidiennement 40 à 60 dossiers d’intoxications volontaires, contre 30 à 45 pour la même période en 2020. Des médicaments sont impliqués dans 80% des cas. Une hausse des appels se dessine aussi depuis l’automne 2020 chez les moins de 12 ans et les plus de 65 ans, «mais les effectifs sont limités, donc il est difficile de conclure», tempère le Dr Vodovar ».
Sandrine Cabut relève par ailleurs qu’« à Santé publique France (SpF), une surveillance des indicateurs de santé mentale a été mise en place en mars 2020, dès le début de la crise sanitaire. […] S’agissant en particulier des tentatives de suicides, plusieurs indicateurs sont suivis : gestes suicidaires chez les patients pris en charge dans les services d’urgences (réseau Oscour), décès, et depuis février pensées suicidaires en population générale (enquête CoviPrev) et chez les enfants aux urgences ».
La Dr Céline Caserio-Schönemann, spécialiste de santé publique, indique que « sur 2020, nous n’avons pas constaté de hausse des gestes suicidaires dans les services d’urgence quelle que soit la tranche d’âge. En revanche, nous avons été interpellés depuis début 2021 par plusieurs épisodes de hausse, notamment deux pics chez les moins de 15 ans autour des semaines 5 et 10, avec une augmentation de l’ordre de 40% par rapport au niveau des années précédentes. Nous restons très vigilants ».
La journaliste souligne que « les pédopsychiatres et les pédiatres, qui prennent en charge ces jeunes patients, sont eux toujours préoccupés. A l’hôpital pédiatrique Robert-Debré, «mars a été le pire mois avec + 300% de tentatives de suicides par rapport aux années précédentes. Des collègues d’autres hôpitaux me décrivent des cas inédits pour eux de TS par arme à feu chez de jeunes enfants», souligne ainsi le Pr Richard Delorme, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ».
Sandrine Cabut continue : « Quid des décès par suicide ? Pour l’instant, il n’y a pas de signal à ce niveau. A l’échelle internationale, une étude menée dans 21 pays de différents niveaux de vie […] n’a pas mis en évidence de hausse de cet indicateur dans les premiers mois de la pandémie, voire même une baisse dans certains. Encore provisoires, les données françaises, qui portent sur l’ensemble de l’année 2020, sont plutôt rassurantes ».
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