« « Les jeunes arrivent en fauteuil roulant » : face à l’abus de gaz hilarant, les médecins sonnent l’alerte »

Date de publication : 20 janvier 2022
Le Parisien
Elsa Marnette observe en effet dans Le Parisien que « les soignants voient arriver de plus en plus de jeunes d’une vingtaine d’années incapables de marcher ou de sentir leurs extrémités, à cause de leur consommation de gaz hilarant. Selon eux, malgré l’arrêt du protoxyde d’azote et la rééducation, la récupération totale n’est pas garantie ».
La journaliste livre ainsi un reportage en région parisienne : « Le 5 janvier 2020, quand ils ont vu arriver aux urgences une patiente souffrant d’une atteinte neurologique atypique pour son jeune âge, les médecins ont eu «une grosse surprise», selon le chef du service neurologie de l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ».
« Les soignants ont compris qu’ils assistaient à «l’émergence d’une nouvelle pathologie». Car depuis ce 5 janvier 2020, 26 autres personnes se sont présentées dans son hôpital avec ce même tableau clinique. Rien ne les distingue, si ce n’est leur jeunesse — 23 ans en moyenne — et les symptômes dont ils souffrent »,
 poursuit Elsa Marnette.
Le Dr Thomas de Broucker, chef de service, explique que « les patients présentent des fourmillements des quatre membres, surtout des jambes qui, progressivement, vont s’accompagner d’un déséquilibre. À force de ne plus sentir leurs membres inférieurs, ils ne peuvent plus marcher. Ils arrivent en fauteuil roulant ».
Le neurologue évoque en outre « des troubles moteurs, avec déficit de la force musculaire, mais aussi des troubles sphinctériens, comme une rétention d’urine, et des troubles de l’érection, car il y a atteinte de la moelle épinière. […] Tous ont une consommation de protoxyde d’azote monstrueuse, jusqu’à six bonbonnes par jour ».
Elsa Marnette relève que « ce gaz hilarant, traditionnellement utilisé en anesthésie ou en cuisine, fait l’objet d’un usage détourné à vocation festive : lorsqu’il est inhalé, il provoque euphorie et hallucinations. Mais aussi asphyxie, perte de connaissance, brûlures et troubles neurologiques sévères, surtout lorsque l’intoxication est importante et répétée ».
Le Dr de Broucker précise que « le principe de la neurotoxicité du N2O est que l’atome de cobalt qui est au centre de la molécule de cobalamine (ou vitamine B12) est neutralisé par le protoxyde d’azote. La vitamine B12 est totalement inactivée et n’effectue plus son rôle essentiel au fonctionnement du système nerveux central et périphérique ».
La journaliste remarque que « ce phénomène récent de consommer de très grosses doses peut laisser les soignants démunis », le chef de service soulignant : « On a des malades paraplégiques, qui récupèrent très vite et d’autres bien moins atteints, pour qui ce n’est pas le cas ».
Elsa Marnette ajoute que « les patients restent en moyenne 8 jours dans son service, le temps de voir un psychiatre s’ils le souhaitent, de recevoir de la vitamine B12 et de faire des examens complémentaires (IRM, ponction lombaire, bilan sanguin) ».
Le Dr Chérifa Chambaz, médecin coordonnateur au centre de rééducation fonctionnelle de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), déclare pour sa part : « Ce qui est alarmant, c’est cette jeunesse, ils sortent à peine de l’adolescence ».
La journaliste observe que « là-bas, les soignants, davantage habitués à la prise en charge de personnes âgées victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC), ont également vu des patients jeunes affluer en fauteuil roulant depuis 2 ans. Il y en a eu un sur toute l’année 2019 et jusqu’à 6 en même temps, au mois de décembre dernier ».
Elsa Marnette indique que « les médecins de l’établissement effectuent d’abord un bilan et établissent une prise en charge de kinésithérapie, d’ergothérapie, parfois de psychothérapie et d’orthophonie. Puis, commence la rééducation proprement dite. […] L’équipe repart parfois de zéro : apprendre à tenir un stylo, à se brosser les cheveux… ».
La journaliste relève que « dans le service de neurologie de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis, une consultation est systématiquement proposée 3 mois après la sortie du patient ». Le Dr de Broucker remarque cependant que « sur 27, on en a eu 4, en vrai ou par téléphone. C’est frappant comme on a du mal à les suivre ».
Dans un autre article, Elsa Marnette explique que « l’Île-de-France et les Hauts-de-France sont les deux régions où le nombre de cas explose, selon le rapport récemment publié par l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) à partir des données des centres antipoison ».
La journaliste indique qu’« en 2020, 134 cas d’usage récréatif de protoxyde d’azote ont été rapportés aux centres antipoison de toute la France. […] À elle seule, l’Île-de-France concentre 25% de ces signalements, devant les Hauts-de-France. Dans le même temps, l’Anses rappelle qu’il y en avait eu 46 en 2019 et 20 entre 2017 et 2018 et s’inquiète d’une «croissance qui s’accélère» ».
L’Anses précise que « les données 2020 confirment la survenue de troubles neurologiques graves, notamment chez les consommateurs réguliers. Au moins un symptôme neurologique et/ou neuromusculaire était signalé dans 76,2% des cas. Parmi ces cas, les trois quarts avaient au moins un signe moteur et/ou sensitif, tels que des paresthésies (fourmillements, engourdissements, picotements), des hypoesthésies (diminution de la sensibilité), un déficit moteur, des tremblements des extrémités ou des douleurs musculaires ».
L’agence évoque « des consommations régulières depuis plus d’un an, de plusieurs dizaines voire centaines de cartouches par jour, cette consommation chronique favorisant avec le temps la survenue de lésions neurologiques sévères ».
Elle ajoute qu’« une prise en charge pluridisciplinaire doit être engagée entre généraliste, pédiatre, urgentiste, neurologue et addictologue pour l’accompagnement du patient dans sa guérison et son arrêt de consommation de protoxyde d’azote ».

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