« Alerte à la nouvelle cocaïne, la 3-MMC »
Date de publication : 2 juin 2022
Cette « nouvelle drogue de synthèse, bien moins chère que la cocaïne, se répand de plus en plus chez les 25-45 ans. Les médecins s’en inquiètent », révèle Elsa Mari dans Le Parisien.
« C’est la nouvelle coke », annonce un jeune homme de 29 ans, « qui en a « sniffé » pour la première fois il y a quelques mois ». Il décrit « des effets à mi-chemin entre la cocaïne et les amphétamines ». « En un an, on est passé de personne n’en prend à tout le monde en prend », s’étonne-t-il.
Même constat pour « Mathis*, 34 ans, consommateur régulier de drogues, qui voit la 3-MMC, autrefois cantonnée au milieu gay, pour ses effets désinhibants, se populariser », poursuit la journaliste. « Lui a pour habitude d’en consommer dans un cadre sexuel », note-t-elle. « Mais depuis un ou deux ans, mes potes hétéros me disent qu’ils en prennent aussi, cette fois-ci pour son côté stimulant. Et aussi parce que c’est tout simplement beaucoup moins cher que la cocaïne ! », détaille Mathis.
« C’est le nouveau produit de synthèse le plus observé depuis le début des années 2010 dans les saisies, les collectes et les cas cliniques », note l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). « Si, à ses débuts, dans les années 2010, elle était utilisée «presque exclusivement parmi des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes», dans le but de «lever les inhibitions et d’augmenter le plaisir», en 2017, des usages ponctuels hors de ce contexte sont repérés, également chez des hétérosexuels, avant de se poursuivre en 2020 lors de fêtes, dans des clubs, chez un public diversifié », explique l’article.
« À l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), le Pr Laurent Karila, addictologue et psychiatre, voit en ce moment arriver, en consultation, les premiers cas de patients hétérosexuels, surtout les « 25-45 ans branchés, qui consomment déjà des drogues » », fait savoir Le Parisien.
« Certains prennent même de la 3-MMC pour se doper et mieux travailler », explique le professeur.
Le journal décrit une « substance, facile d’accès que l’on fume, vapote, sniffe ou encore avale, après l’avoir achetée sur Internet et s’être fait livrer aussi facilement qu’une « commande Amazon » ».
« La 3-MMC, de la famille des cathinones de synthèse, reproduit chimiquement les effets de la feuille de khat, que l’on mâche notamment au Yémen, et dérivé de la méphédrone, interdite en 2012 à la suite d’un nombre important de décès au Royaume-Uni », précise l’addictologue.
« Les complications sont bien pires que celles de la cocaïne. Tous les organes peuvent être touchés à long terme », alerte-t-il. « La liste est longue : côté neurologique, il y a un risque de convulsions, d’AVC. Côté cardiaque ? D’infarctus, d’arrêt cardiaque. Et plus largement, d’atteintes rénales, de problèmes ORL, à cause de la poudre très irritante, d’états délirants, de troubles cognitifs, de risque suicidaire », révèle Le Parisien.
* Le prénom a été changé
« Troubles alimentaires : « Les confinements ont fait des ravages » »
Date de publication : 3 juin 2022
« Anorexie, boulimie… l’autre épidémie », annonce la Une de Libération. « Depuis les confinements, le nombre de cas de troubles de conduites alimentaires explose, touchant désormais de jeunes enfants. Dans un système de santé en crise, les délais de prise en charge s’allongent dramatiquement », alerte Chloé Rabs dans le journal.
La journaliste évoque le « compte Instagram, Elisa, 17 ans, partage son quotidien parsemé de recettes healthy et d’entraînements à la salle de sport (…) qu’elle accompagne d’un message un peu particulier : « On va s’en sortir, ne lâchez rien ! #TCA » ». « Comme 1% des femmes, Elisa souffre d’anorexie, une forme de trouble des conduites alimentaires (TCA). (…) Tout bascule (…) lors du premier confinement de mars 2020. (…) Très vite, le sport et son poids deviennent une obsession », raconte-t-elle.
« En août 2020, quatre mois plus tard, Elisa a perdu 15 kilos et n’en pèse plus que 56 pour 1m79. En France, plus de 600.000 personnes souffrent de TCA, particulièrement des femmes âgées entre 17 et 25 ans », indique Chloé Rabs.
« Si l’on englobe toutes les formes de troubles des conduites alimentaires, les professionnels estiment que 10% de la population pourrait même être concernée. Très préoccupants car très mortels − les TCA constituent la deuxième cause de mortalité prématurée chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route −, ces troubles explosent depuis deux ans », souligne la journaliste.
« Les professionnels du secteur sont submergés par une « vague TCA » : + 30%, + 40%, voire + 50%, selon diverses estimations. Le CHU de Montpellier a ainsi affronté une augmentation de 53% d’hospitalisations entre le premier semestre 2020 et le premier semestre 2021, et un boom de 234% des demandes de prise en charge », alerte-t-elle.
« Stress psychologique, appauvrissement brutal des relations sociales, précarisation professionnelle, déstructuration du rythme journalier… La crise sanitaire a été le cocktail parfait mais malheureux pour déclencher des TCA », explique Pierre Déchelotte, chef du service nutrition du CHU de Rouen, « où les demandes de consultations ont doublé depuis deux ans ».
« En partenariat avec l’université Monash, la Butterfly Foundation, ligne d’écoute australienne pour les TCA, a ainsi passé en revue 72 études internationales et révèle que le problème est aussi planétaire que la pandémie de Covid 19 elle-même. Ainsi, en Amérique du Nord, les visites aux urgences pédiatriques ont bondi de 62% en 2020 par rapport aux années 2018-2019. De plus, la pression exercée sur les lignes d’assistance pour les troubles alimentaires a augmenté de 195% au Royaume-Uni, de 67% au Canada et de 57% aux Etats-Unis durant cette même période », détaille l’article.
« En 2020, 17% de la population (…) était atteinte [d’obésité], un chiffre qui a doublé depuis 1997, selon la dernière enquête épidémiologique nationale Obépi-Roche publiée en juin 2021 par la Ligue nationale contre l’obésité », note Chloé Rabs.
Selon les résultats d’une étude, « parus dans la revue Nutrients », « la prévalence des TCA était stable entre 2009 et 2018 puis a augmenté de manière significative en 2021. [Entre 2018 et 2021,] les chiffres ont quasiment doublé pour atteindre « près de 51% des filles et 31% des garçons interrogés », s’alarme Pierre Déchelotte.
« Les confinements ont vraiment fait des ravages. En deux ans, nos demandes de consultation ont doublé », confirme Xavier Pommereau, psychiatre au sein de la clinique Béthanie, en Gironde. « Situé à quelques mètres du campus de Bordeaux, le service accueille majoritairement des étudiantes », note l’article.
« Ses patients lui font désormais part de leur « désarroi » et de leur « angoisse » face à la guerre en Ukraine et les risques de troisième guerre mondiale brandis par le régime russe. Ou, plus prosaïquement, devant l’emballement de l’inflation qui pénalise un peu plus une population jeune déjà précarisée et gagnée par la paupérisation. Un climat anxiogène qui alimente ou déclenche des TCA », ajoute-t-il.
« L’utilisation intensive des réseaux sociaux, notamment pendant les périodes de confinement, est également pointée du doigt par les professionnels », souligne la journaliste. « En cause : la propagation de comptes fitness, menés par « des coachs qui se prétendent nutritionnistes parce qu’ils ont eu quatre heures de cours » », attaque Nicolas Sahuc, déplorant « le rôle destructeur d’Instagram ou de TikTok ».
« Alors que le patient type est une adolescente ou une femme, on est confronté de plus en plus à des adultes, des hommes, mais surtout des enfants très jeunes », dépeint Philip Gorwood, chef de la Clinique des maladies mentales et de l’encéphale du centre hospitalier Sainte-Anne à Paris. « C’est d’ailleurs la communauté des pédiatres et des pédopsychiatres qui a alerté en premier, à l’automne 2021, le gouvernement », rappelle la journaliste.
« Ces nouveaux profils s’accompagnent également de pathologies plus sévères, avec surtout une modification de symptômes qui laisse les spécialistes pour l’instant désarmés », ajoute-t-elle. « Les anorexiques sont d’ordinaire des adolescentes très perfectionnistes et très bonnes élèves. Désormais, on a affaire à de jeunes filles très instables émotionnellement, à haut niveau de risque suicidaire, et ne présentant pas forcément des poids très bas. Mais elles développent des aphagies », détaille Sébastien Guillaume, responsable de l’équipe TCA au CHU de Montpellier.
« Plus inquiétant encore, cette situation périlleuse s’immisce dans des services spécialisés déjà sous hypertension avec la crise structurelle des soins médicaux en France, et singulièrement dans les hôpitaux, où les professionnels ne peuvent désormais répondre aux besoins de tous les patients », s’alarme la journaliste.
« Depuis 4 mois, je cherche sans relâche une place en hospitalisation pour une patiente, sans résultat », déplore Nathalie Godart, présidente de la Fédération française anorexie boulimie (FFAB). Or, « plus on tarde à prendre ces pathologies en charge, moins on a de chances de parvenir à les guérir », prévient Philip Gorwood, de Saint-Anne.
« Comme pour les généralistes, les TCA sont victimes d’importants déserts médicaux. Selon un rapport commun entre la FFAB et la Direction générale de l’offre de soins réalisé en 2019, sur les 2694 établissements de santé interrogés, seuls 8% − soit 219 établissements − déclarent prendre en charge des patients souffrant de troubles alimentaires », fait savoir Libération qui évoque « une double peine ».
La journaliste souligne également une « urgence sous-diagnostiquée » en raison notamment d’un « défaut de formation des professionnels ». « Des médecins traitants ne savent pas qu’il faut vérifier la kaliémie − le taux de potassium dans le sang − des patients boulimiques, qui se font vomir. Or un taux trop faible de potassium peut être fatal. Certains patients meurent de se faire vomir à outrance et les collègues ne le savent pas », explique Xavier Pommereau.
De plus, il regrette que « les patients souffrants de TCA aient toujours « mauvaise réputation » : « Des médecins traitent les jeunes filles de manipulatrices et pensent que si elles faisaient un effort, elles s’en sortiraient d’elles-mêmes », affirme-t-il.
« Il nous faut surtout des moyens pour recruter des soignants, des psychologues, des médecins spécialisés, etc. », estime Philip Gorwood, de Saint-Anne.
« A l’occasion de la journée mondiale des TCA organisée le 2 juin pour la deuxième année, Nathalie Godart, présidente de la FFAB, [a souhaité] sensibiliser sur [cette] urgence aussi majeure que sous diagnostiquée et sous-médiatisée », fait savoir Libération. « Une urgence dans l’état d’urgence médicale français : malgré les chiffres déjà alarmants, seul un patient sur sept souffrant de TCA serait identifié », révèle en conclusion la journaliste de Libération.
« Addictions chez les jeunes : « Les écrans ont un boulevard devant eux » »
Date de publication : 15 juin 2022
Libération fait savoir qu’« un sondage réalisé par Ipsos pour la Macif montre les évolutions récentes des comportements addictifs chez les 16-30 ans. […] On y apprend que l’alcool demeure la première substance consommée. Un jeune sur deux déclare en boire régulièrement et 31% de manière hebdomadaire. Pour le tabac, plus d’un jeune sur deux fume ou bien a déjà essayé et près de trois personnes interrogées sur dix déclarent en consommer régulièrement (29% contre 25% en 2021) ».
Le journal note que « pour les auteurs du sondage, la consommation de cannabis reste toujours «inquiétante» mais stable par rapport à 2020 : plus d’un tiers des jeunes interrogés en consomment ou ont déjà essayé. Ils sont 11% à en prendre régulièrement. Quant à l’ecstasy, la MDMA, le GHB, le protoxyde d’azote, le LSD ou encore la cocaïne, on observe que si l’usage est moins élevé, la proportion des jeunes qui n’ont jamais testé ces drogues est en baisse ».
Libération évoque un « autre point saillant du sondage, l’addiction aux écrans : 63% des jeunes déclarent avoir perdu la notion du temps quand 48% n’arrivent plus à trouver le sommeil, en lien avec leur consommation d’écran. Plus grave, 74% déclarent avoir ressenti des troubles, des sentiments de mal-être ou des difficultés concrètes (accidents, situations de violence, problèmes financiers), cette fois-ci en lien avec tout type d’addiction (soit +6 points par rapport à 2021) ».
Le quotidien publie un entretien avec le psychologue clinicien Jean-Pierre Couteron, qui « analyse les effets de 2 ans de crise sanitaire sur la consommation de produits licites, alcool en tête, ou illicites ».
Il déclare notamment que « les consommations des jeunes sont un terrain sur lequel il est important de rester mobilisé. […] On sort de 2 ans de confinement et on sait que certains groupes ont moins consommé de substances. […] Des augmentations de consommation sont observées à présent, en lien avec des problématiques de santé mentale ».
Jean-Pierre Couteron observe que « selon la disponibilité, l’attractivité, la facilité ou pas à gérer tel ou tel objet d’addiction, on observe des jeux de passe-passe entre les différents usages. A ce niveau-là, les écrans ont un boulevard devant eux. C’est l’objet d’addiction le plus accessible, le moins problématique à utiliser au départ et celui où les conséquences peuvent être les moins visibles à l’extérieur ».
Il ajoute : « On peut regretter l’absence d’une vraie politique de prévention en France. Malgré la loi Evin, l’Etat ne joue pas son rôle de régulateur. […] Il faut donc encourager la prévention éducative, comme avec les programmes Primavera ou Unplugged qui sont défendus par des acteurs de la santé publique dont la Fédération addiction ».
« Il faut conforter la capacité à rencontrer les jeunes, avec leurs familles, pour leur donner des outils nécessaires pour faire autrement. Il est primordial de valoriser l’accompagnement éducatif, particulièrement pour les écrans », continue le psychologue.
« Les directives anticipées sont aussi utiles en psychiatrie »
Date de publication : 20 juin 2022
Pauline Fréour cite dans Le Figaro Aurélie Tinland, psychiatre à l’AP-HM à Marseille, qui observe : « Pour une personne atteinte de trouble psychiatrique, une hospitalisation sous contrainte est un traumatisme. Pour un médecin, c’est un échec. Et la France, malheureusement, en pratique beaucoup ».
La journaliste indique que « convaincue qu’il faut aider les patients à mieux vivre leur prise en charge hospitalière lors d’une crise, et surtout réduire les risques d’en arriver à cet extrême, elle a évalué l’impact des directives anticipées en psychiatrie rédigées par les patients, avec ou sans assistance. Et les résultats, publiés récemment dans Jama Psychiatry, sont indéniables ».
Pauline Fréour observe que « le concept de directives anticipées est davantage connu en référence à la fin de vie : il permet alors de faire savoir ses souhaits en cas de maladie grave et d’impossibilité de communiquer. En psychiatrie, les directives anticipées peuvent préciser le traitement à privilégier en cas de crise, les signes annonciateurs d’une décompensation, les personnes de confiance à joindre… Autant d’informations importantes que le patient n’est plus forcément en état de transmettre lors d’une prise en charge d’urgence ».
La journaliste explique que « s’inspirant de ce qui peut déjà exister à l’étranger (aux États-Unis, en Suisse, en Australie…), le Dr Tinland a développé, en collaboration avec des patients, un modèle de directives anticipées adaptée à la psychiatrie, dont elle a testé l’impact dans un essai clinique incluant 7 centres sur 3 villes (Marseille, Lyon et Paris) ».
« Environ la moitié des quelque 400 volontaires se sont vu proposer de rédiger les leurs avec l’assistance de médiateurs de santé – qui sont eux-mêmes des malades ayant surmonté une crise et ont été formés à l’université pour travailler en hôpital aux côtés du personnel soignant. L’autre groupe était informé sur le concept de directives anticipées mais ne se voyait pas offert d’aide pour les écrire. Tous souffraient de schizophrénie, de troubles bipolaires ou de troubles schizo-affectifs », précise Pauline Fréour.
Elle retient que « 55% des patients du premier groupe ont saisi l’occasion et couché sur le papier ce qu’ils souhaitent voir appliquer en cas de problème, contre 7% dans l’autre groupe ».
La Dr Tinland remarque : « Par exemple, certains ne souhaitent pas recevoir du Loxapac en cas de crise car cela les excite au lieu de les calmer. À l’inverse, d’autres ne veulent surtout pas se voir administrer du Valium car ils en ont pris par le passé, ont eu du mal à se sevrer et ne veulent pas retomber en dépendance. Mais tout ça, un urgentiste ne le sait pas d’emblée ».
Pauline Fréour ajoute que « le document, qui est par la suite partagé avec les soignants du malade et ses proches, inclut aussi une description propre à chacun des symptômes annonciateurs d’une crise : perte de sommeil, achats compulsifs, pic de stress… Le malade peut aussi préciser ce qui est susceptible de le protéger d’une crise, afin que son entourage l’encourage en ce sens ».
La journaliste relève que « l’impact mesuré par l’étude est élevé : un tiers d’hospitalisations sous contrainte en moins à un an dans le premier groupe. Les auteurs postulent que les malades ont davantage accepté d’être hospitalisés quand nécessaire, probablement grâce à un repérage plus précoce de leurs symptômes. Ils observent aussi un meilleur rétablissement des patients et un sentiment accru de maîtriser ce qui leur arrive ».
« L’idée désormais est d’améliorer le déploiement et la visibilité de ces directives, ainsi que l’accompagnement efficace des médiateurs de santé », poursuit-elle.
Pauline Fréour note que « les résultats positifs obtenus dans l’étude du Jama Psychiatry ne seront toutefois généralisables que si le système de santé permet aux patients qui en identifient le besoin d’accéder en priorité à des soins », selon le Pr Pierre Thomas, chef du pôle psychiatrie, médecine légale et médecine de soins pénitentiaires au CHRU de Lille.
« Les troubles autistiques en panne de traitement »
Date de publication : 21 juin 2022
Eric Favereau constate dans Libération que « l’autisme reste un continent toujours aussi mystérieux, lourd de douleurs et de souffrances. Sur ce dossier longtemps polémique – avec une guerre éternelle entre ceux qui y voyaient une forte composante psy et les autres qui ne décelaient qu’un dérèglement neurologique –, les avancées scientifiques et cliniques sont en effet limitées, comme le montre une expertise de l’Inserm ».
Le journaliste souligne : « D’abord donc, exit le diagnostic d’autisme, on parle désormais de troubles du spectre de l’autisme (TSA), tous provenant d’imperfections dans le neuro-développement ».
Les experts de l’Inserm écrivent que « ces troubles apparaissent au cours de la petite enfance ; ils persistent à l’âge adulte. Environ 700.000 personnes en France seraient concernées, note l’Inserm. Ils se caractérisent par des altérations des interactions sociales, des problèmes de communication (langage et communication non verbale), des troubles du comportement, un répertoire d’intérêts et d’activités restreint et répétitif (tendance à répéter les mêmes gestes, paroles ou comportements) et enfin des réactions sensorielles inhabituelles ».
Eric Favereau remarque que « c’est un fourre-tout compliqué, aux signes variés. Et ainsi sont mis dans le même ensemble des personnes atteintes du syndrome d’Asperger – une forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage – avec des enfants catatoniques, silencieux, s’automutilant profondément ».
Il ajoute que « face à ce trouble confus, une partie des chercheurs ont beaucoup espéré des neurosciences et de la génétique. Les résultats, aujourd’hui, sont parcellaires, comme le concède l’Inserm ».
Le document indique : « Les progrès des neurosciences et l’identification de facteurs de risque génétiques ou environnementaux ont permis de mieux appréhender les TSA, mais leurs causes demeurent encore assez mal comprises. […] Il est désormais bien établi qu’il s’agit de maladies d’origine multifactorielle, avec cependant une forte composante génétique. Etre un garçon et présenter des antécédents familiaux sont deux facteurs de risque reconnus. Cela n’exclut pas l’intervention de facteurs environnementaux durant la grossesse, mais leur nature exacte n’est pas connue. La naissance prématurée constitue un autre facteur de risque. Par ailleurs, certains médicaments antiépileptiques administrés à la mère durant la grossesse, comme la Dépakine, sont actuellement sur la sellette ».
Eric Favereau observe : « Pour l’Inserm, pas un mot sur les causes relationnelles des TSA ».
Le journaliste continue : « Quid de la recherche thérapeutique ? Elle avance très lentement, en dépit d’annonces tonitruantes faites régulièrement. Ainsi, plusieurs essais cliniques ont été récemment abandonnés, «en raison de résultats jugés peu concluants, alors que les molécules étudiées avaient au départ généré beaucoup d’espoirs», note l’Inserm dans son expertise ».
Eric Favereau retient qu’« une des rares pistes qui demeurent tourne autour des médicaments anti-épileptiques ».
Le journaliste note en outre qu’« il y a aujourd’hui, comme un consensus sur un dépistage précoce. Même si certains s’inquiètent des effets délétères de la pose d’un diagnostic aussi lourd chez le tout jeune enfant. Pour l’Inserm, en tout cas, pas de doute, il faut dépister le plus tôt possible ».
Eric Favereau évoque enfin « les vieux autistes. Ils sont les grands oubliés. Enfermés dans des hôpitaux psychiatriques, souvent sans moyens. Ou isolés dans des structures sociales. Ils sont plusieurs dizaines de milliers. […] L’autisme a beau avoir été déclaré grande cause nationale en 2012, il reste encore bien des pas à franchir pour que la situation soit un peu moins désespérante ».
« Maltraitances : la protection de l’enfance à l’épreuve du secret médical »
Date de publication : 24 juin 2022
C’est ce que titre Libération, qui observe : « Aux premières loges face aux cas de violences infantiles, peu de médecins osent faire des signalements. Le cadre juridique, très flou, tourne souvent au désavantage des soignants, qui risquent des poursuites de la part du conseil de l’Ordre ».
Anaïs Moran cite ainsi Eugénie Izard, pédopsychiatre, qui « traîne depuis 7 longues années une angoisse profonde et corrosive », « celle qui vous colle à la peau quand vos pairs, ceux qui étaient censés vous protéger, et protéger les enfants, se mettent à vous attaquer sans répit »,déclare la praticienne.
La journaliste explique que « le désarroi date du printemps 2015. De ce jour où le conseil départemental de l’Ordre des médecins de Haute-Garonne a porté plainte contre elle devant la chambre disciplinaire, après qu’elle a signalé des soupçons de maltraitances physiques et psychologiques de la part d’un père sur sa fille de 8 ans ».
Eugénie Izard indique : « On m’a accusée de ne pas être restée à ma place. D’avoir pris le parti d’une mère aliénante qui manipulait son enfant. Alors que tout ce que j’avais fait, c’était prendre mes responsabilités et tenter de protéger de maltraitances un enfant ».
Anaïs Moran note que « sanctionnée par l’Ordre des médecins à une suspension temporaire d’exercice de la médecine d’une durée de 3 mois, Eugénie Izard a vu, le 30 mai, la plus haute juridiction administrative annuler la sanction ordinale. Un événement qui a permis de mettre en lumière le sujet de l’insécurité juridique dans laquelle sont plongés les praticiens à l’origine de signalements pour maltraitances infantiles ».
La journaliste observe que « face à des soupçons de maltraitances infantiles, les médecins sont comme piégés dans un conflit de normes et d’injonctions contradictoires, en raison d’un cadre juridique confus. Le code pénal prévoit bien que les praticiens, comme tout autre citoyen «pouvant empêcher […] soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle [d’un enfant]», ont l’obligation d’intervenir. Il précise aussi qu’un signalement effectué auprès des autorités compétentes «ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi» ».
« Mais les praticiens sont également soumis au code de la santé publique, dont certains textes laissent planer l’ambiguïté. Ainsi, le médecin doit protéger le mineur tout «en faisant preuve de prudence et de circonspection». Signaler auprès des autorités compétentes «sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience». Des expressions sources d’interprétation qui, cumulées aux principes fondamentaux du «secret professionnel» et de l’interdiction de «s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille», entretiennent le trouble », constate Anaïs Moran.
Elle indique qu’« avec sa consœur pédopsychiatre Françoise Fericelli, Eugénie Izard a cofondé le collectif de médecins Stop violences en avril 2021, afin d’œuvrer «contre les violences intrafamiliales et pour une meilleure protection des enfants maltraités». Le collectif regroupe 56 professionnels de toutes spécialités. Il dit avoir recensé une quinzaine de procédures disciplinaires en cours devant le conseil de l’Ordre ».
Françoise Fericelli déclare : « Nous, médecins, ne sommes ni enquêteur, ni policier, ni magistrat, mais nous avons un devoir de protéger les enfants. Notre seule possibilité de protection est de faire un signalement, et pour cela il faut être formé au repérage des maltraitances et ne pas avoir à craindre des représailles. Tout ce que nous souhaitons, c’est un cadre légal précis qui régisse les modalités d’alerte des médecins, notamment une obligation légale de signalement ».
Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente de l’Ordre, remarque pour sa part : « On peut se mettre autour d’une table pour discuter des poursuites. Nous aussi, nous voulons voir les médecins devenir de vrais acteurs dans la lutte contre ces maltraitances. Il faut encore sensibiliser notre communauté, notamment au sein des conseils de l’Ordre locaux. On y travaille ».
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