« « On saucissonne le patient » : à l’hôpital psychiatrique du Rouvray, la bataille des anciens contre les modernes »

Date de publication : 7 décembre 2023

Libération

Eric Favereau remarque dans Libération : « Faut-il soigner les malades mentaux par secteur géographique, comme on le fait depuis les années 50, ou par pathologie ? Ce dilemme traverse la psychiatrie française, qui renonce peu à peu à la sectorisation, faute de personnel et de moyens ».
Le journaliste livre un reportage à Rouvray (Seine-Maritime), dans « le 2e hôpital psy de France ».
Il explique ainsi que « le débat qui secoue l’hôpital psychiatrique du Rouvray, l’un des plus grands hôpitaux de France, est emblématique de la crise sans précédent que traverse la psychiatrie publique. En ces temps de pénurie de personnel, peut-on désormais continuer à soigner au plus près les patients dans leur globalité ? Ou bien faut-il rationaliser et soigner par pathologies, – dépressions, addictions, schizophrénies, etc. –, quitte à laisser tomber un travail de proximité, indispensable quand on prend en charge des troubles mentaux ? ».
Eric Favereau souligne que « ce débat est tout sauf anecdotique, car il est lourd de conséquences. […] Les 800 secteurs de psychiatrie en France sont pour un grand nombre d’entre eux moribonds, car pour bien fonctionner il leur faut des moyens et du personnel. Or plusieurs milliers de postes sont vacants ».
Le journaliste note que « Rouvray a fêté, l’an dernier, ses 200 ans. En 2018, l’hôpital a connu un mouvement social inédit, qui s’est traduit par une grève de la faim d’infirmières et d’aides-soignants, ce qui n’était jamais arrivé dans un pareil établissement. La cause ? Un manque cruel de personnel et des fermetures de lit en rafales ».
« Après 3 semaines de grève et 19 jours de grève de la faim, pour la première fois, l’agence régionale de santé acceptait une trentaine d’embauches supplémentaires. Un an après, peu de changements. Et la déception a prévalu. Treize postes sur les 30 promis ont été pourvus, et la création promise d’une unité pour adolescents est restée au stade de projet », 
constate Eric Favereau.
Le journaliste livre en outre un entretien avec Bruno Falissard, polytechnicien, pédopsychiatre, directeur du plus gros laboratoire de recherche sur la santé mentale, remarquant : « On parle de plus en plus de traiter les malades mentaux par «filières». Est-ce une bonne idée ? ».
Le psychiatre répond que « d’un côté, cette évolution peut paraître raisonnable. Le savoir sur les maladies mentales devenant de plus en plus riche et dense, tout le monde ne peut le suivre. Et si parallèlement les diagnostics se font précis, alors oui, tout cela pourrait pousser à une spécialisation légitime, comme on l’a connu dans le reste de la médecine ».
Il ajoute : « C’est un argument qui se discute. Car si on le retient, on va tout segmenter ; on va séparer avec l’âge, le sexe, etc. Pourquoi mettre un étudiant de 20 ans qui a fait une TS [tentative de suicide, ndlr] dans la même filière qu’une patiente âgée démente et suicidaire ? Est-ce souhaitable ? Ne risque-t-on de tout découper en morceaux ? Pour moi, la question centrale est de voir si cette filiarisation est efficace d’un point de vue clinique. Et donc de savoir si l’on a vraiment des diagnostics qui permettent de mettre au point une stratégie thérapeutique univoque ».
Bruno Falissard déclare qu’« il faut des soignants spécialisés, d’autres plus généralistes. Une plus grande spécialisation peut conduire à un sentiment d’efficacité sur le court terme, mais elle conduit également à une perte de la problématique réelle du patient ».

« Fatigue chronique, la maladie négligée »

Date de publication : 11 décembre 2023

Le Figaro

Delphine Chayet constate en effet dans Le Figaro que « trop de patients ne reçoivent pas de proposition de soins, malgré de graves répercussions sur leur quotidien ».
La journaliste observe : « Ils parlent de leur fatigue comme d’une «colocataire», d’un «adversaire» qui s’est imposé et a pris toute la place dans leur quotidien, d’un «tsunami». […] Ils se comparent à «une batterie vide», «une bougie qui s’éteint», un «zombie» enfermé dans «une vie sans horizon» ».
Delphine Chayet note que « les mots lancés lors d’une table ronde consacrée à la fatigue chronique, le 23 novembre dernier, sont durs. Ils reflètent la souffrance éprouvée face à ce symptôme ».
Isabelle Fornasieri, vice-présidente de l’Association française du syndrome de fatigue chronique (ASFC), souligne ainsi que « la fatigue persistante sévère, ou asthénie, concerne en France plusieurs centaines de milliers de personnes qui ont le plus grand mal à faire reconnaître leur mal par la communauté médicale ».
Delphine Chayet précise qu’« en plus du trouble dont l’association tire son nom, qui est spécifique, la fatigue chronique est présente dans une grande variété de maladies : polyarthrites rhumatoïdes, hépatites, pathologies intestinales, rénales ou musculaires, Covid long, fibromyalgie, endométriose, etc. ».
La journaliste relève que « le manque d’écoute et de solutions proposées aux malades a poussé, en novembre 2021, 13 associations de malades à organiser la première « journée des fatigues », ponctuée de tables rondes et d’ateliers. Un groupe de travail national a été constitué sur le sujet. L’objectif est de créer un sursaut, à l’image de celui initié dans le domaine de la douleur il y a une dizaine d’années, pour faire progresser la recherche et améliorer les soins ».
Delphine Chayet explique que « la réalité des personnes souffrant d’asthénie n’a rien à voir avec la sensation que nous connaissons tous après une journée de travail ou une nuit trop courte. Comme la douleur, la fatigue est un signal d’alarme utilisé par l’organisme pour faire cesser une consommation d’énergie excessive. Mais le symptôme devient pathologique quand il se transforme en un épuisement physique ou mental constant, d’intensité fluctuante, et dont les patients ne se remettent pas malgré le repos et le sommeil ».
« Ce trouble a ceci de particulier que l’asthénie s’accompagne de crises d’épuisement colossal après un effort »,
 poursuit la journaliste. Isabelle Fornasieri remarque qu’« elles peuvent survenir à la caisse d’un supermarché ou après une douche, et la seule chose possible est alors de s’allonger dans le silence, sans stimulation ».
Delphine Chayet ajoute que « l’enquête menée sur internet en 2021 a mis en lumière la difficulté pour les personnes concernées d’obtenir un diagnostic et de se faire comprendre de leur entourage. […] Les sondés (en grande majorité des femmes âgées de 45 ans en moyenne, dont la moitié se dit fatiguée depuis plus de 6 ans) déplorent des répercussions négatives sur leur vie sociale, professionnelle et familiale. Or 89% d’entre eux n’ont jamais reçu de proposition de soin et 84% ne connaissent pas les outils permettant d’évaluer l’intensité de leur fatigue ».
La journaliste relève que « faute de réponse, de nombreux patients se tournent vers des médecines alternatives dont l’efficacité n’est pas démontrée. Les associations promeuvent de leur côté la stratégie du «pacing», qui consiste à fractionner ses activités dans la journée et à les alterner avec des périodes de repos, en veillant à ne jamais aller au-delà des ressources de l’organisme ».
Delphine Chayet précise que « deux autres types de prises en charge ont fait leurs preuves dans la fatigue chronique. Les thérapies comportementales aident à lutter contre l’isolement et les pensées noires. L’exercice physique graduel permet d’augmenter la capacité musculaire ou intellectuelle, et ainsi de réduire la fatigue causée par la réalisation d’une tâche ».

« Enfants et écrans : que dit vraiment la science ? »

Date de publication : 18 décembre 2023

Le Figaro

Pauline Léna s’interroge dans Le Figaro : « Faut-il faire confiance aux alertes régulières sur les écrans, et leurs effets supposés délétères sur la santé et les capacités d’apprentissage des enfants ? Pas toujours. Ou plutôt, pas encore… ».
La journaliste explique qu’« une gigantesque étude, publiée en novembre dernier dans Nature Human Behavior, fait le bilan de la majorité des travaux publiés dans ce domaine et jette un nouveau pavé dans la mare : les études qui disent que « les écrans », en général, sont mauvais pour les enfants ne sont… pas utiles. Car à force de brasser trop large, elles ne nous apprennent en réalité pas grand-chose ».
Pauline Léna relève ainsi que « les chercheurs de l’équipe de Taren Sanders, de l’Université catholique de Sydney (Australie), ont passé 5 ans à trier et à analyser 2557 méta-analyses sur l’effet des écrans sur les enfants et les adolescents. Ils ont ainsi observé que les travaux qui s’intéressent non pas simplement au temps d’exposition mais aussi au contenu de ce qui est proposé et dans quel contexte dessinent une image plus nuancée et surtout plus représentative des véritables usages ».
La journaliste observe que « seul ce type de données, encore trop rares, permettra de mettre au point des stratégies d’intervention pertinentes et ciblées, à la fois pour limiter les risques mais aussi profiter des bénéfices qu’apportent les nouvelles technologies ».
Jonathan Bernard, directeur de recherche en épidémiologie périnatale et pédiatrique à l’Inserm, remarque qu’« il faut d’abord distinguer les effets sur la santé physique de ceux qui peuvent affecter le développement cognitif, le langage ou la santé mentale ».
Pauline Léna note que « sur le plan physique, le sommeil semble impacté de manière négative. Reste à savoir si c’est la lumière bleue, les contenus excitants ou tout simplement le temps pris sur le sommeil qui jouent ».
« Il semblerait aussi que les écrans augmentent le risque de myopie, mais ceci est-il lié spécifiquement aux écrans eux-mêmes, ou au simple fait de passer trop de temps sur des tâches impliquant la vision de près plutôt que des activités d’extérieur, par exemple, qui sollicitent la vision de loin ? », 
continue la journaliste.
Elle évoque un « dernier axe d’inquiétude que soulignent les études : l’obésité. Là, plus encore que sur le sommeil et la vision, les effets sont sans doute indirects : sédentarité et grignotage pendant l’usage, temps pris sur les activités physiques, exposition aux publicités pour des aliments à mauvais score nutritionnel… ».
Pauline Léna remarque en outre que « l’étude australienne montre à la fois que les effets délétères, s’ils existent, restent modérés mais sont surtout tempérés dès lors que le contenu ou le contexte est pris en compte. Par exemple, les écrans envisagés globalement peuvent présenter un risque sur le niveau de compréhension ou d’apprentissage des enfants, mais l’effet observé est au contraire positif lorsque le programme utilisé a une vocation éducative ou qu’un parent participe à leur usage ».
Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation à l’université Paris Descartes, indique que « les études sur les jeux vidéo interactifs ont permis d’observer des effets de transfert des compétences acquises pour le jeu à d’autres moments de la vie des joueurs, comme une plus grande capacité attentionnelle ».
La journaliste continue : « Prendre en considération le niveau d’interaction est sans doute la clé pour que chaque parent puisse envisager l’influence des écrans sur le développement et la santé de ses propres enfants : si les écrans sont en concurrence permanente avec des activités favorables à leur développement, comme les discussions en famille, les jeux avec leurs amis ou les balades au parc, il faut en diminuer l’usage. S’ils sont un soutien pour leurs apprentissages ou des opportunités pour interagir avec d’autres humains présents dans la même pièce, ils peuvent être utiles ».

« Santé mentale : les étudiants en détresse psychologique disposent désormais d’un numéro d’écoute gratuit »

Date de publication : 21 décembre 2023

Le Parisien

Bérangère Lepetit annonce dans Le Parisien qu’« à quelques jours des traditionnelles agapes, où la solitude peut se faire davantage ressentir, le gouvernement lance le 0800 724 900, une plate-forme gratuite et confidentielle d’écoute et d’accompagnement baptisée Cnaé, pour « Coordination nationale d’accompagnement des étudiantes et étudiants » ».
La journaliste explique qu’« elle est destinée à tous eux qui ressentiraient le besoin de parler, appeler à l’aide et peut-être contactée de 10 heures à 21 heures, du lundi au vendredi, et de 10 heures à 14 heures le samedi ».
« À l’autre bout du fil, des professionnels formés, notamment des psychologues, pourront écouter et orienter, si besoin, vers d’autres dispositifs », 
poursuit-elle.
Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur, précise que « l’idée est d’intervenir le plus tôt possible et leur apporter une réponse. S’ils ont besoin de parler à un psychologue, on pourra alors les aiguiller vers les services de santé étudiants ou leur parler du chèque Santé Psy (qui donne droit à 8 séances de consultation gratuites chez le psy chaque année) ».
Bérangère Lepetit rappelle en effet que « la détresse psychologique et les angoisses des étudiants n’ont pas disparu avec la fin de la pandémie de Covid-19. Les services de santé des étudiants ou encore de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) en font état : à l’heure de la hausse de la précarité des jeunes, de la crise climatique, nombreux sont ceux qui vont mal, souffrent d’angoisses et insomnies, ont du mal à se projeter vers l’avenir ».
Deborah Haddad-Baudry, psychologue à Paris et membre du dispositif Santé Psy, souligne qu’« il y a eu un avant et un après Covid. Je vois en consultation beaucoup de jeunes en manque de repères, de perspectives. Ils souffrent de problèmes de dépression, ont des rapports à l’autre problématiques ».
Bérangère Lepetit explique que « lancé en 2021, pendant la crise du Covid, le dispositif Santé Psy étudiant a été reconduit au moins jusqu’à la fin de l’année universitaire. 420 nouveaux étudiants ont pu bénéficier de ces consultations gratuites depuis septembre, 1100 psychologues (…) reçoivent les jeunes concernés ».
Gladys Mondière, présidente de la Fédération française des psychologues et de la psychologie (FFPP), souligne pour sa part que « nous sommes l’un des pays européens où il y a le moins de réponses disponibles pour ces jeunes. Le vivier des psys qui peuvent les recevoir n’est pas suffisant, notamment en dehors des grandes villes ».


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